Un paradis qui reste collé au sol
A partir du moment où il apparaît que toute sécurité se construit sur un fond d’insécurité et que finalement tout le monde semble se trouver en insécurité, riches comme pauvres, nantis comme démunis, la recherche de la sécurité se poursuit sur un autre plan. La recherche de Dieu semble se situer dans le prolongement de cette recherche de la sécurité rencontrée dans les multiples initiatives que nous engageons dans notre action de tous les jours. Le bien-être matériel et financier révèle son incapacité à combler entièrement notre besoin de sécurité. Un besoin de sécurité qui est plus ou moins consciemment vécu comme le besoin d’une indéfinie continuité de jouissance du bien-être et par conséquent d’une existence satisfaite, pour ne pas dire heureuse. Un besoin ou plus exactement une sorte de désir d’éternisation du présent que seul un être transcendant pourrait nous garantir, à savoir Dieu. Cette première hypothèse ne peut concerner que les gens plus ou moins satisfaites de leurs conditions matérielles d’existence. Ils ont besoin de Dieu pour leur permettre de profiter de tous les biens qu’ils ont pu accumuler. Autrement dit, que ces biens ne leur soient pas arrachés avant le temps, ni par des voleurs, ni par la mort. Dieu apparaît ainsi comme le garant suprême contre l’insécurité prédominante et au centre de laquelle se trouve la perspective de mourir.
Mais que dire des démunis et de ceux qui se battent contre la précarité et le mal être ? Nombreux parmi eux recherchent une sécurité en Dieu, non pas pour protéger des biens qu’ils ne possèdent pas, mais dans l’espoir de voir aussi leurs conditions matérielles s’améliorer. Souvent l’on pense que ceux-là se consolent à l’idée que la souffrance sur Terre peut être compensée par la joie d’être accueilli, au moment de la mort, dans un paradis de félicité éternelle. Il est reproché aux religions, telle la religion chrétienne, d’endormir les déshérités de la Terre avec de tels rêves, au lieu de leur enseigner de se battre afin de réaliser déjà sur Terre les conditions d’une vie décente et digne des êtres humains qu’ils sont. L’idée de paradis est-elle prise tant au sérieux par les croyants, au point de les détourner durablement de leurs intérêts terrestres ? Nous n’en croyons rien. La préoccupation du bien-être quotidien continue d’accompagner toutes les prières et les demandes que le croyant, chrétien ou autre, adresse à son Dieu. En Afrique en particulier et dans l’esprit des gens, la pratique religieuse n’est pas très différente, de la pratique magique. On invoque Dieu, on lui confie tous les soucis et toutes les demandes en rapport avec la vie sur Terre et non avec le Paradis. On fait intervenir Marie, la mère de Jésus, ainsi que d’autres saints supposés intercéder en faveur des hommes et des femmes de foi. Les non-possédants veulent accéder à la propriété et comptent sur leurs prières adressées à Dieu pour réaliser leurs vœux.
DISCOURS SUR LA VIE QUOTIDIENNE,
ed. Afredit, Yaoundé, mars. 2007
pp. 127-128 ;
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