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Extraits du livre dialogue L’Etat et les clivages ethniques en Afrique

Extraits du livre dialogue L’Etat et les clivages ethniques en Afrique

Des majorités autour des idées et programmes et non autour des appartenances ethniques

Njoh Mouelle : Mais ce qui me paraît le plus dangereux pour notre Afrique d’aujourd’hui et peut-être de demain, ce serait de consacrer au niveau du parlement comme à celui du gouvernement, la prépondérance des ethnies démographiquement plus nombreuses, tandis que les ethnies de faible démographie seraient éternellement condamnées à ne peser que leur « proportion » de poids démographique, c’est-à-dire très peu de chose. Je pense très fermement que les majorités qui devraient prévaloir sont des majorités au plan des idées et des programmes, des majorités exprimant des solidarités autour des mêmes intérêts permettant aux citoyens vivant les mêmes conditions d’existence de s’unir pour mieux faire entendre leurs voix. La vision moderne des choses ne peut naître que dans ce contexte ; la vision qui permet de développer le sens du respect de la loi, la règle pour tous, l’égalité devant cette loi, les principes républicains que vous même vous avez rappelés Et c’est ce que ne ferait pas le système d’élection à la proportionnelle du poids des ethnies et l’application de la même proportionnelle dans la composition du gouvernement. Que ferait-on dans des pays qui comptent des centaines de groupes ethniques ? Car il en existe !
Thierry Michalon : Vous soulevez ici une objection de poids, je le reconnais. Organiser les institutions publiques autour de ces réalités socio-culturelles dont nous espérons depuis un demi-siècle la désagrégation apparaîtrait comme un renoncement, voire comme une régression. Cet argument est parfaitement recevable. Mais si en un demi-siècle la naissance du citoyen, de l'Etat, et de la Loi, sont encore des vœux pieux, si les obligations d'échange de services entre membres de la même communauté culturelle constituent encore les véritables institutions de ces peuples – plus encore aujourd'hui qu'au début des années 60 – combien de temps allons-nous encore attendre qu'une hypothétique industrialisation de masse détruise ces appartenances au profit de classes sociales et de citoyens libres ?
L’Etat et les clivages ethniques en Afrique : pp. 22-23

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