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Collogue philosophique

Extraits du livre dialogue L’Etat et les clivages ethniques en Afrique 

Créateurs actifs et consommateurs passifs

Thierry Michalon : Oui, mais il y a eu à l’origine de tout, la naissance de l’idée selon laquelle on devait rechercher une amélioration de l’efficacité des techniques agricoles, donc rompre avec les habitudes, avec la tradition. L’idée de progrès est profondément révolutionnaire.

Njoh Mouelle :   Oui, et elle est liée aussi au changement dans la conception du temps, en passant de sa représentation cyclique à une représentation linéaire.

Thierry Michalon : Bien sûr, ce passage d'une conception cyclique du temps, profondément rurale, à une conception linéaire, permettant aux hommes d'avoir un grand projet, celui de transformer leurs conditions d'existence, est absolument fondamental ! Il y a là matière à de véritables tournées de conférences-débats grand public en Afrique ! De même pour expliquer que l’économie ne doit pas se comprendre en termes de stocks mais en termes de flux. L’opposition que font beaucoup d’Africains entre pays nantis et pays démunis repose sur l’idée que certains peuples sont riches et que d’autres sont pauvres. Il faut expliquer qu'au contraire la richesse est une production, issue d’un certain type de rapports que les hommes ont entre eux et avec le monde, avec le temps, avec l’espace. Le Japon, par exemple, n’a aucune richesse naturelle, et la richesse de ce pays est le fruit du travail des hommes et des rapports qu’ils ont entre eux, de leur philosophie de vie.

Njoh Mouelle : C’est très important ce que vous dites là et toute conception de la liberté axée sur la créativité et donc sur la production, ne saurait s’aviser d’imaginer que la tâche s’achève un jour ; elle est continuelle. La cristallisation des mentalités entre les créatifs actifs et les consommateurs passifs se trouve là. Je ne la justifie pas, je la constate. Et c’est dans le sens d’introduire une culture du travail et de la productivité à la place de la culture de la facilité et de la gratuité qu’il faut œuvrer en Afrique.

Thierry Michalon : Je ne comprends pas très bien. Je voulais simplement dire que pas mal de peuples, notamment en Afrique, comprennent l’économie en termes de stocks – il y a ceux qui ont et ceux qui n’ont pas, pense-t-on – et sont loin de la comprendre en termes de flux, c’est-à-dire de production de richesses. Même ici, en Europe, la plupart des gens d’une part ne veulent pas se reconnaître riches, d’autre part lorsqu’ils le reconnaissent, ne savent pas comment nos peuples le sont devenus ! Et il faut alors leur expliquer que, durant le siècle passé, la productivité du travail en France a été multipliée par 16, c’est-à-dire qu’il faut 16 fois moins de temps de travail aujourd’hui pour produire le même bien qu’il y a un siècle! Je crois bien que pratiquement personne en Afrique n’a en tête que la clé pour sortir de la précarité est l’amélioration de l’efficacité de chaque heure de travail...

D’autre part, pour faire écho à votre dernière phrase, les créatifs et les consommateurs sont partiellement les mêmes ! Le dynamisme incroyable de l’économie américaine est dû à l’énergie et à l’esprit d’entreprise de chacun. Et les inégalités sociales engendrées par cette société totalement fondée sur le mérite individuel, scandaleuses à nos yeux d’Européens, sont regardées là-bas comme légitimes…
pp. 60-62

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