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Conference Culture et éducation

Conference Culture et éducation

QUEL ROLE POUR L’ECOLE D’ AUJOURD’HUI ?

            L’Histoire de l’école nous apprend qu’elle était d’abord au service de ceux qui la créait et la faisait fonctionner : les Églises chrétiennes d’abord, qui formaient pour la prêtrise. L’Empire ou les empires, pour la formation de ses fonctionnaires ainsi que d’un personnel devant prier, chanter, prêcher, évangéliser. Ce fut ensuite les tenants successifs de l’idéologie dominante, la bourgeoisie notamment, qui ne formait qu’un petit de nombre ceux qui devaient servir les intérêts des  maîtres du moment. Plus près de nous, les maîtres coloniaux aussi n’avaient besoin que de petits effectifs de quelques auxiliaires pour l’administration des territoires colonisés.
            Lorsque, sous Jules Ferry pendant la IIIè République, la loi rendant l’école obligatoire est votée, les portes de l’école s’ouvrent à tous les enfants, quelles que soient leurs origines sociales  ; et c’est à partir de ce moment que l’écolier, l’élève, se trouve placé au centre des préoccupations relatives au rôle ou à la mission de l’école. L’école commence à être pensée en fonction de l’élève et non plus en fonction des besoins ou des intérêts des maîtres de la situation.
            Le premier rôle de l’école humaniste s’est donc présenté comme un rôle d’édification de la personnalité culturelle des enfants. On va à l’école pour l’intérêt attaché aux connaissances à acquérir. C’est un peu de la connaissance pour la connaissance. J.J. Rousseau avait déjà montré dans son œuvre, notamment Le Discours sur l’origine de l’inégalité parmi les hommes et Emile, ou De l’Education, que les aptitudes et les facultés de l’homme ne fonctionnent pas à leur niveau optimum sans y  avoir été entraînées. Autrement dit, l’homme ne naît pas homme culturellement, il le devient dans le processus de son éducation. La fonction crée l’organe.
            Mais très vite est apparu un autre type d’intérêt dans l’Histoire : l’intérêt de l’économie et des opérateurs économiques qui commenceront à demander que l’école serve à mettre à la disposition de l’économie des qualifications utiles à la production.
            Au début de cette période, l’économie, ou plus exactement le développement économique, précédait la formation, précédait les produits de l’école. Le compagnonnage permettant de compléter ce qu’il fallait compléter en termes de besoins en main-d’œuvre.
            Une ère pendant laquelle on ne connaît pas encore le phénomène du chômage : l’adéquation formation/emploi étant assurée.
LA CRITIQUE DE L’ECOLE
            Avec la démocratisation de l’accès à l’école à partir de la proclamation de l’école obligatoire, une école affirmée comme un droit de l’enfant, chaque époque va entendre  s’élever  des critiques contre ce qui est considéré comme le manque de pertinence des connaissances acquises dans la vraie vie !  Ou encore de la difficulté de mobiliser les connaissances acquises en situation d’examen ! «  A quoi sert ce qu’on apprend en classe », a-t-on toujours entendu demander depuis ces temps-là !
            Au lieu que le développement économique précède la formation en communiquant à celle-ci et  au  préalable ses besoins  en main-d’œuvre, c’est l’inverse qui se produit infailliblement depuis la démocratisation, à savoir l’ouverture de l’école à tous les enfants, parce que c’est devenu un droit de l’homme. Depuis longtemps déjà, la formation précède le développement économique et ne peut pas éviter de produire un large excédent de diplômés non absorbable par le marché du travail.
            Beaucoup attendent de l’école qu’elle donne « de vrais pouvoirs sur le monde » ; beaucoup font chorus avec tous ceux qui, d’une manière générale, remettent en cause en permanence l’efficacité des systèmes éducatifs.
MAIS L’ECOLE, DE QUELLE ECOLE S’AGIT-IL ? ET QUEL ROLE POUR L’ECOLE ?
            Il ne s’agit certainement pas de l’école professionnelle qui forme dans des qualifications demandées ou attendues par les entreprises. Il s’agit de l’école obligatoire que constitue le cycle primaire ici au Cameroun et qui comprend aussi le cycle secondaire dans d’autres pays.
            Quel a donc toujours été le rôle de cette école obligatoire pour les enfants de 6 à 13 voire à 16 ans ?
            Par rôle, il faut entendre le but, la fonction, la mission. Il s’est agi, dès le départ, de préparer les enfants à s’insérer dans  la société. Et pour cela leur donner un bagage de connaissances comprenant l’instruction morale et civique, la lecture et l’écriture, la langue et les éléments de littérature, l’histoire, la géographie, des éléments de sciences naturelles, physiques et de mathématiques, des éléments de dessin, du moulage et de la musique, la gymnastique, quelques leçons de droit et d’économie politique.
            Voici comment, au Cameroun, la loi d’orientation de 1998 ( loi n° 98/004 du 14/04/98, définit la mission de l’éducation : ( par éducation on comprend aussi ici « école ») :L’éducation a pour mission générale, dit la loi, la formation de l’enfant en vue de son épanouissement intellectuel, physique, civique et moral, et de son insertion harmonieuse dans la société, en prenant en compte les facteurs économiques, socio-culturels, politiques et moraux ».
            L’école est une institution qui se présente sous les traits suivants :

  1. Existence de maîtres reconnus savants et compétents
  2. Existence d’un groupe d’élèves
  3. Existence d’un lieu ou d’un espace spécifique fermé
  4. Existence de programmes conçus comme des ensembles ordonnés de savoirs et de savoirs-faire à developper
  5. Existence de temps planifiés et protégés
  6. Existence de règles contraignantes de fonctionnement
  7. Existence d’un contrat didactique définissant le rapport au savoir et le travail requis des élèves
  8. Existence d’une autorité fondée sur les récompenses et les punitions.

5) De tous ces paramètres, celui qui présente manifestement un rapport direct avec la question du rôle est certainement le paramètre évoquant les programmes conçus comme des ensembles ordonnés de savoirs et de savoirs-faire à devélopper.
            Mais derrière les programmes, il faut toujours relever le véritable objectif visé qui a toujours été celui de l’insertion des apprenants dans leur société ; une société dans laquelle ils doivent se considérer comme nantis des instruments leur permettant de se faire une place au soleil, de trouver leur voie dans la vie, bref de réussir leurs vies !
6) On ne peut pas dire que le rôle ou la mission de l’école ait eu à changer ou devrait changer.
            Il ne sera pas question de dire ni de savoir si tous les apprenants ou tous les écoliers de l’école obligatoire ont réussi dans le passé, ou réussissent aujourd’hui à trouver une place sous le soleil de leur milieu social ou non !
 Si la question se pose de savoir quel est le rôle de l’école d’aujourd’hui, n’est-ce pas parce que le milieu dans lequel il faut s’insérer  aujourd’hui n’est plus le milieu de la seule société nationale mais le milieu de la société mondiale ?
LA SOCIETE MONDIALE, LA SOCIETE DE L’INFORMATION
            La société mondiale se caractérise comme étant cette société de l’information tous azimuths au sein de laquelle l’enfant, l’écolier, tout autant que ses parents vivent, sans qu’ils disposent nécessairement de l’équipement intellectuel et technologique permettant d’accéder à l’information : journaux « online », bibliothèques virtuelles, forums de discussion, rencontres virtuelles avec des personnes éloignées, sites multiples dont de nombreux dangereux, pas seulement pour les enfants, etc.
            La société de l’information c’est la société de traitement informatique de l’information via l’exécution des programmes informatiques par des machines : systèmes embarqués que sont les consoles de jeux, les distributeurs de billets de banque, les ordinateurs, les robots, les automates, etc.
            La société de l’information est-elle synonyme d’école, ou serait-elle une sorte d’école englobante dont le lieu et l’espace cesseraient d’être fermés et spécifiques ? Certainement pas. Parler de société de l’information ne revient pas à parler d’école.
            Pas plus que parler d’information n’est pas parler de formation ou d’instruction,  ni encore moins d’éducation. Pour qu’il y ait formation ou éducation il faut qu’il existe des formateurs et des éducateurs.
            Des formateurs qui forment :
            Selon l’existence de programmes conçus comme des ensembles ordonnés de savoirs et de savoirs faire à développer.
            Selon, à tout le moins, l’existence  de règles contraignantes de fonctionnement et l’existence de maîtres reconnus savants et compétents
            Toutes choses qui n’existent pas de manière institutionnelle dans cette société de l’information.
            La société de l’information se présente comme un immense bazar qui propose tout et le contraire de tout, de vrais savoirs à côté des déformations de la réalité, des mensonges, publicitaires et autres !
LE MAÎTRE NOUVEAU OU LE NOUVEL INSTITUTEUR
            Face à cette réalité, nous maintenons que le rôle de l’école d’aujourd’hui reste le même, à savoir préparer l’enfant à s’insérer dans la société qui est la sienne, même si cette société acquiert la dimension d’une société mondiale, et à tirer le meilleur avantage de cette insertion.
            Pour cela il faut de nouveaux maîtres, eux-mêmes préparés et formés pour jouer, plus que par le passé, le rôle de guide ou de moniteur sachant conduire l’enfant au travers des dédales de cette masse d’informations qui ne sont pas toutes utiles pour sa réussite.
Au lieu donc d’un rôle nouveau pour l’école, nous découvrons plutôt une sorte de matière nouvelle à introduire dans les programmes, à savoir : ce que nous appellerions « l’aide à l’exploitation de l’information produite par la société de l’information ».
            Quel est donc le type d’enseignant devant s’occuper de cette matière nouvelle ?
            Il s’agit d’un enseignant qui prépare ses élèves à affronter la complexité du monde grâce à des compétences à lui faire acquérir ; un enseignant qui soit l’organisateur d’une pédagogie constructiviste soucieuse de définir le but ou l’objectif associé à une compétence ; autrement dit un enseignant qui soit le garant du sens des savoirs et des savoir-faire proposés ;  donc un enseignant qui fasse tout pour conserver son image et son statut de savant et de compétent ; un enseignant qui sache se faire ou se transformer en créateur de situations d’apprentissage, en un gestionnaire de l’hétérogénéité et un régulateur des processus  et des parcours de formation.
            L’article 25 de la loi d’orientation de 1998 déjà citée stipule en cette matière clairement que «  L’enseignement dans les établissements scolaires  prend en compte l’évolution des sciences et des technologies, dans ses contenus et ses méthodes, est adapté aux évolutions économiques, scientifiques, technologiques, sociales et culturelles du pays et de l’environnement international ».
            La question qui vient immédiatement à l’esprit est celle de savoir qui formera ce formateur qu’exige et appelle la société de l’information ?
            Mais il se formera lui-même ou ne se formera pas. Nous saisissons cette occasion pour faire état  de ce que, en partenariat avec le ministère des enseignements secondaires, la Fondation MTN Cameroun organise depuis 2014 le concours du meilleur enseignant  utilisateur et intégrateur des technologies de l’information et de la communication (TIC). La première édition a vu la participation de 149 enseignants sur l’ensemble du territoire. Les résultats de la deuxième édition  ont été rendus publics en septembre 2015.
            Outre ce concours, le Ministère des Enseignements secondaires déploie déjà une action vigoureuse tendant à la multiplication des centres multimedia dans les établissements d’enseignement secondaire. La Fondation MTN l’aide aussi dans ce programme, elle qui a déjà installé une cinquantaine de  centres multimedia  à travers le Cameroun. Des centres qui devraient justement bénéficier aux enseignants désireux d’opérer leur mutation  pour devenir ces spécialistes de la nouvelle matière que nous avons baptisée «  Aide à l’exploitation de  l’information de la société de l’information ».
             Quelle serait la nature du travail du nouveau maître affecté à « l’aide à l’exploitation de l’information de  la société de l’information » ? Il s’agirait d’un enseignant qui dirigerait des séances (ou des classes) de navigation collective sur Internet. Il préparerait ces séances par l’identification préalable des sites utiles à faire découvrir aux élèves. Des sites distingués et sélectionnés par élimination des sites catégorisés comme « dangereux ». Des sites éducatifs prétendument sans l’aide d’un adulte, tel que le site Lire et recréer (www. Lirecreer.org), ou des sites du genre www.lescale.net qui a pour mission d’enrichir et de soutenir l’action pédagogique par la réalisation des activités multimedias de formation pour les enfants de 4 à 12 ans.  
POUR CONCLURE
Il  se dégage de tout ce que nous avons dit jusque là, que le rôle de l’école d’aujourd’hui n’est pas ce qui est en cause ; il continue à notre avis d’être la préparation des élèves à une insertion harmonieuse dans la société, comme le stipule la loi d’orientation de 1998. La réalité nouvelle apparue entre temps et qui est à l’origine de notre préoccupation s’appelle la « société de l’information », caractéristique de la « société mondiale ». Si l’école a toujours été accusée de ne réussir que faiblement, voire pas du tout, à faire insérer ses diplômés dans la société, il se passe quelque chose comme si les émetteurs de ce jugement ne tenaient aucun compte de la difficulté crée par sa démocratisation et la distinction faite à partir de là, entre l’école du droit à la culture pour la culture d’une part, et l’école pour les besoins de l’économie et de l’emploi ou des emplois, d’autre part.
            Ce reproche de l’inadéquation de la formation à l’emploi disparaît-il quand il s’agit aujourd’hui d’envisager l’insertion des formés et des diplômés dans la nouvelle dimension de la société mondiale, société de l’information au sein de laquelle le besoin de la culture pour la culture est ressenti peut-être plus fortement qu’auparavant ?
            L’école, à notre sens, ne disparaîtra pas ou ne se fera pas remplacer par une société de l’information qui ne saurait en devenir le substitut. L’école demeure l’institution chargée de conserver et de développer, dans le sens de  l’enrichir, le socle inamovible des savoirs universels. L’impressionnante profusion des échanges de toutes sortes favorisée par la révolution des technologies de l’information et de la communication, impose que soit favorisée l’introduction à l’école d’un enseignement et d’un  enseignant de type nouveau, particulièrement chargé d’aider les élèves à mieux exploiter leur appartenance à la société mondiale, à mieux exploiter les données multiformes de la société de l’information. Il ne s’agit pas d’autre chose que de l’introduction du souci de former à une nouvelle sorte de culture générale, tout en maintenant la nécessité de conférer des compétences encore appelées des savoir-faire.
            Je vous remercie de votre attention.

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