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Conference philosophique

Culture et Société: conférences

CONFERENCE DONNEE LE 30 MARS 11 A L’INSTITUT SAINT-JOSEPH-MUKASA

"LES EFFETS DE LA MONDIALISATION EN AFRIQUE "

            Je crois avoir saisi que le thème de votre réflexion cette année, a voulu placer les considérations éthiques au cœur de la mondialisation. C’était aussi, en partie, ma préoccupation en 2007 quand j’organisais le colloque international de Yaoundé portant sur le thème : «  La philosophie et les interprétations de la mondialisation en Afrique »Les Actes de ce colloque ont été édités chez L’Harmattan et seraient encore disponibles, sauf erreur de ma part.
            La difficulté est cependant réelle d’introduire l’éthique dans l’espace politique dominé par la loi de l’intérêt et, en particulier, de l’intérêt du plus fort.
            Dans mon site Internet, ceux qui le veulent peuvent également trouver  quelques textes de conférences que j’ai déjà eu à consacrer à la mondialisation, notamment la conférence donnée au Centre culturel italien de Yaoundé le 22 juin 2005.
            La mondialisation ne peut être définie qu’a posteriori et non a priori. Je veux dire qu’elle ne semble pas avoir fait l’objet d’une pré-conception avant sa mise en œuvre pratique. Elle a commencé, de tout temps, par être une volonté d’expansion et de conquête de l’espace sous la forme d’européocentrisme, d’occidentalisation, voire d’américanisation du reste du monde. Expansion d’une civilisation qui se voulait supérieure et à même de justifier une mission civilisatrice. Les préoccupations économiques et culturelles y ont de tout temps été associées.
            C’est pourquoi j’ai pu écrire, dans l’un des textes de mon site Internet que « la mondialisation exprime la portée de l’expansion des idéaux et des normes qui dominent et régulent les échanges internationaux. Des normes et des idéaux inspirés par l’état des rapports de forces ». Je continue en précisant ceci : «  C’est une mondialisation d’enrôlement et d’exclusion à la fois. Enrôlement quant à l’inévitable conditionnement par les normes et les idéaux produits, exclusion quant à la non prise en compte des intérêts de tous et de chacun ».
            De nombreuses autres définitions de la mondialisation sont proposées ici et là. Je vais me borner à reproduire celle qui suit et qui, tout en mettant l’accent sur la dimension économique du phénomène, met aussi en évidence le rôle des médias, je pourrais même ajouter des multimédias, dans la propagation unilatérale des valeurs d’une culture qui tend à modeler de nombreuses cultures locales. Voici cette définition : «  La mondialisation désigne l’intégration économique mondiale qui va au-delà de l’internationalisation des échanges et des marchandises, des services ou des capitaux et qui se caractérise par une plus grande mobilité internationale des ressources et par une concurrence accrue entre firmes et nations. Ce terme est souvent utilisé pour représenter la mondialisation économique et les changements induits par la diffusion mondiale des informations par les médias et surtout par Internet. »
Mondialisation de fait et mondialisation par des organisations
            En fait, je pense qu’il y a lieu de distinguer deux sortes de mondialisation : une mondialisation de fait  et une mondialisation encadrée par des organisations précises. La mondialisation de fait est celle qui m’a fait dire qu’on ne pouvait pas produire une définition a priori de ce phénomène ; une définition qui ait été une pré- conception avant que le phénomène n’ait commencé à se déployer  « tout seul » (une façon de parler) sur le terrain. Une mondialisation, ou plus exactement une mondialité telle qu’on peut la trouver formulée dans la doctrine kantienne du cosmopolitisme. Ce cosmopolitisme supposait l’avènement du citoyen d’une communauté mondiale dont on pouvait parler comme étant une cité- monde, une nation – monde. Ce n’est pas à cette cosmopolis que nous avons affaire dans la mondialisation.
Ce que j’appelle mondialisation de fait est l’expression des conséquences de la révolution intervenue dans les technologies de l’information et de la communication. Une révolution ayant conduit à l’apparition des notions de réalités virtuelles et de temps réel. Ce sont les changements intervenus dans ce secteur qui ont laissé la plus nette impression d’un rétrécissement du temps et de l’espace, une impression de la réduction de la planète Terre aux dimensions d’un village. L’exploitation convergente de l’informatique (l’ordinateur), des télécommunications ( le téléphone) et des médias télévisuels, autrement dit la numérisation des sons et des images rendue possible par les techniques de compression, ont ouvert la voie aux données multimédia que sont l’ordinateur, le téléphone et la télévision.
            Je voudrais rappeler que ce qu’on appelle « temps réel » est l’expression de la simultanéité de la réception du signal de l’information sur un événement se produisant à n’importe quel point de la planète et l’effectivité de cet événement en train de se produire et en train d’être observé aux quatre coins de la planète. La virtualité, de son côté, à part d’être la création des images et des réalités qui n’ont de réalité que celle résultant des combinaisons que permet le multimédia, se veut aussi l’existence de communautés et de groupes ne se réunissant  jamais concrètement en un lieu et fonctionnant cependant comme s’ils constituaient des entités palpables (le cas des forums et autres groupes de débats ; le cas aussi des téléconférences).
            Un second aspect de la mondialisation de fait a découlé de la chute du mur de Berlin symbolisant l’échec et la fin des régimes communistes du bloc dit de l’Est. Le libéralisme capitaliste s’est trouvé de facto devoir se faire adopter par ceux-là même qui avaient fonctionné jusque là selon une vision différente de la production économique et des rapports sociaux autour du travail, les travailleurs et la propriété des moyens de production.
            Le second aspect de la mondialisation, à savoir la mondialisation encadrée par des organisations, est celui dont on peut énoncer les principes directeurs et qui prend corps à travers les organisations du système des Nations Unies telle que l’Organisation mondiale du Commerce (OMC), pour ne citer que celle-là. Les principes directeurs de cette mondialisation sont, entre autres :

  1. Le libre échange, autrement dit la libre circulation des marchandises, au nom de laquelle il va être demandé aux pays d’Afrique de supprimer les droits de douanes à l’entrée des produits venant des pays industrialisés
  2. La libre circulation des capitaux, non pas l’Aide publique au développement, mais les investissements directs étrangers (IDE) qui proviennent des marchés financiers.

Examinons à présent la traduction de ces principes dans les faits, au niveau de l’Afrique et des pays pauvres, en général.
            1°) L’Afrique a-t-elle bénéficié de la libre circulation des capitaux ?
Il était dit que le libre flux des capitaux est supposé augmenter l’investissement, la croissance et la prospérité. Il était dit que le libre flux des capitaux se dirigeait aux quatre coins  du monde. Or, ce mouvement ne s’est intéressé que très peu à l’Afrique. Il s’est dirigé vers les régions où le capital pouvait s’optimiser au maximum et se reproduire.
            Selon les estimations du CNUCED, la Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le Développement, en l’an 2000, par exemple, l’Afrique aurait reçu moins de 1% des IDE, le principal bénéficiaire ayant été l’Afrique Australe, la Sadc (Communauté de développement de l’Afrique australe). Ils ont reçu en valeur absolue 9 milliards de dollars, contre 27 milliards de dollars pour l’Europe Centrale (trois fois plus). La direction privilégiée de ces capitaux a été largement celle des pays du Sud-Est asiatique, qui sont ceux-là mêmes qui ont bénéficié du maximum de délocalisations des entreprises.
            Les délocalisations : Qu’est-ce qu’une délocalisation ? Il s’agit d’un transfert d’activités de production ou de transformation dans un lieu différent du lieu de consommation des produits. S’agissant des opérations de délocalisations réalisées dans les pays en développement à bas salaires, il s’agit pour l’entreprise, de bénéficier du faible coût de la production (faible coût de la main d’œuvre) dans le but d’écouler la production dans le pays d’origine ou vers un pays tiers.
            Il s’agit donc, pour les entreprises des pays développés, d’une opération consistant à augmenter leur taux de profit sur les marchandises et non de la philanthropie. Les firmes mondialisées cherchent à optimiser la production sur un plan global. Dans un climat de concurrence intense, l’essentiel est de gagner des parts de marché, quelle que soit la localisation de la production. Il se trouve que le coût de l’heure de travail est très bas dans les pays d’Asie ; ce qui a conduit à la polarisation des délocalisations en faveur des pays est-asiatiques et quelques latino-américains. A titre d’illustration voici quelques coûts comparés de l’heure de travail dans e monde en 2001 :
Etats-Unis                            20,3 dollars
Japon                                    19,6
Europe des 15                    18,4 (Allemagne22, 9, Royaume Uni 16,1, France 15,9)
Corée du Sud                      8,1
Hong Kong                          6,0
Taïwan                                 5,7
Chine                                    0,4
Inde                                       0,3
Brésil                                     3, 0
Mexique                               2, »
L’Afrique n’ayant pas bénéficié des flux des investissements directs étrangers, ne pouvait pas bénéficier non plus des délocalisations d’entreprises. Est-ce parce que le coût horaire du travail y était supérieur à ceux enregistrés dans les pays d’Asie ? Certainement pas. En Afrique, ils préfèrent payer à la tâche et non à l’heure ; c’est pourquoi l’Afrique n’apparaît même pas sur les statistiques que j’ai pu trouver.
L’argument souvent invoqué est celui de l’insécurité des investissements pour cause d’insuffisance d’Etat de droit au plan judiciaire, entre autres. L’argument de l’insuffisance d’une main d’œuvre qualifiée a aussi été parfois invoqué.
            On ne peut cependant pas dire que l’Afrique n’a pas bénéficié du moindre IDE, ni de la moindre délocalisation. Dans les services informatiques, le Sénégal, le Ghana, l’Egypte, l’Île Maurice, le Maroc, la Tunisie et l’Afrique du sud ont bénéficié de quelques investissements.
            Qu’en a-t-il été jusque là en ce qui concerne les délocalisations industrielles ? Il y en a eu au Maroc au début des années 80. Ce fut des investissements sur des ateliers de confection à capitaux mixtes franco- marocains. Des marques de lingerie Yves Saint Laurent. Les industries de la mode privilégient la qualité et créent deux marchés : le marché européen et le marché maghrébin. Il y a eu aussi le développement d’une économie spéculative à travers la place boursière de Casablanca, une des premières du continent africain.
            Apparemment, seuls les pays du Maghreb auraient bénéficié des expériences de délocalisation industrielle.
2°)- L’Afrique devait-elle subir la loi du libre échange imposant la chute des barrières douanières, alors qu’elle n’est pas encouragée à s’industrialiser ?
            Le libre échange commence par la suppression des barrières douanières, comme si tout le monde vivait dans un seul et même pays. Quand elles fonctionnent, les barrières douanières, servent, soit pour protéger les productions intérieures des pays industrialisés, soit, en ce qui concerne les pays en voie de développement et non encore industrialisés, pour créer des recettes pour le budget des Etats.
            Les pays développés se sont préparés depuis la fin des années 1950 à marcher progressivement  vers le libre échange : les droits de douanes des pays industrialisés sont passés, en moyenne, de 40% à 4% entre les années 1950 et l’an 2000. Ce qui veut dire que leurs marchés nationaux se sont davantage ouverts aux produits étrangers. Mais le paradoxe est que cette ouverture aux produits étrangers a été plus grande dans le même laps de temps ( 1985 – 1997) du côté des marchés nationaux des pays en voie de développement ( 22,8 – 38 %) d’ouverture que pour les marchés nationaux des pays développés ( 16,6 – 24,1%) C’est là l’expression du rapport de forces défavorable à l’Afrique en toutes circonstances : Non encouragement de l’industrialisation de l’Afrique, ouverture d’une concurrence déloyale entre les très forts et les très faibles, maintien de l’Afrique dans son statut de marché de consommateurs !
            En effet, dans son rapport de 1997, la Banque Mondiale ne considère plus l’industrialisation comme un facteur de développement de l’Afrique. Toutes choses qui ont poussé Joseph Stiglitz, Prix Nobel d’économie, ancien conseiller du Président Clinton à démissionner en novembre 1999 de son poste de Vice président de la Banque Mondiale en dénonçant la politique d’entrave au développement des pays en voie de développement : «  Plutôt que d’être muselé, j’ai préféré partir », avait-il déclaré.
            3°)-Les contradictions de la mondialisation
            C’est alors que la mondialisation va révéler quelques-unes de ses contradictions. a)- C’est d’abord la forte croissance de la Chine qui va pousser les pays développés à envisager paradoxalement un relatif retour au protectionnisme, synonyme de remise en place des barrières douanières. En effet, de 1993 à 2004, la part prise dans le marché mondial des exportations des produits manufacturés en Chine est passée de 3% à 8,7 %.
b)- La conférence de l’OMC de septembre 2003 à Cancun permet de voir s’étaler au grand jour la concurrence déloyale que le coton américain fait au coton africain quand les Américains subventionnent leurs producteurs de coton en dépit des règles établies au sein de cette organisation.
c)- L’Union Européenne fait de même pour l’ensemble de ses agriculteurs
d)- En ce qui concerne la banane, les mêmes imposent des quotas à la banane africaine ( Cameroun et Côte d’Ivoire). Or, le libre échange est supposé s’appuyer sur des règles solides de la concurrence pour bien fonctionner°-Mais, voici que «  la mondialisation des échanges commerciaux qui feignait de faire comme si la planète –monde était devenue une sorte de cadre- nation est une pure illusion !
            Les intérêts des producteurs nationaux réels demeurent plus déterminants et triomphants là où n’existe aucune velléité de reforme intérieure nationale. Pour que des reformes internationales portent des fruits, elles doivent correspondre avec l’existence des mouvements nationaux d’idées qui soient favorables aux mêmes reformes.
4)-La mondialisation communicationnelle, le « cybermonde », une autre illusion
Le gros village planétaire suggéré par le cybermonde n’est-il pas de son côté une grosse illusion ? La réponse est oui, sans hésitation, quand on considère les gros écarts entre les pays du Nord développés et les pays du Sud, en ce qui concerne le nombre de propriétaires de postes de télévision, le nombre d’abonnés du téléphone, le nombre d’ordinateurs possédés par les citoyens. En 2006, la répartition des utilisateurs d’Internet dans le monde se présentait de la manière suivante :
Asie orientale…………..37%
Europe……………………..26%
Amérique du Nord                20%
Amérique latine…….9%
Afrique sub-saharienne. 3%
Afrique du Nord et Moyen-Orient..3%
Océanie et Pacifique…..2%
            Je vais résumer le commentaire qui peut être fait ici en lisant ce court passage tiré du livre du philosophe français Paul Virillo, «  La vitesse de libération » (Editions Galilée, Paris 1995) : « La société de demain se décomposera en deux catégories antagonistes : ceux qui vivront au rythme du temps réel de la ville monde et ceux qui survivront dans les marges de l’espace réel des villes locales, plus abandonnés que ceux qui vivent aujourd’hui dans les zones suburbaines du Tiers-monde » (p. 95) Cet état des choses n’empêche pas que les internautes africains subissent les conséquences des dérives en tous genres observés sur Internet.
5°)- En attendant la gouvernance mondiale, le rapport de forces et la loi du plus fort décident !
            L’illusion de participer à la vie d’une cité mondiale est d’autant plus forte qu’en l’absence d’une direction unique et démocratique des affaires du monde, c’est le libre jeu des forces en présence qui s’exprime et nécessairement aux dépens des  plus faibles. Les forces en présence s’appellent, d’un côté :

  1. Les détenteurs des capitaux, à travers l’APD des nations développées et les marchés financiers
  2. Les détenteurs des technologies nécessaires à l’exploitation des ressources naturelles et à la production des biens manufacturés
  3. Les détenteurs de la puissance militaire garantissant la sécurité et assurant le rôle de gendarmes du monde.

Et, de l’autre côté, les forces en présence sont :

-Les détenteurs des ressources naturelles diverses attendant d’être exploitées
Les fournisseurs d’une main d’œuvre meilleur marché dans certains secteurs d’activité et de production
Les détenteurs de quelques rares gisements forestiers de chlorophylle et d’oxygène
Les vastes marchés et réserves de consommateurs
Dans un tel contexte de déséquilibre des forces, la coopération ou le partenariat ne peuvent être que dissymétriques. Les plus forts actionnent les leviers qui ne peuvent que maintenir les plus faibles dans leur faiblesse. Car les plus forts ne trouvent aucun intérêt à aider les faibles à devenir aussi forts qu’eux-mêmes. Les plus forts instrumentalisent des conditionnalités idéologiques à valeur universelle, donc mondialisables telles que l’imposition du système démocratique de gouvernement des Etats, le chantage au non respect des droits de l’homme.
            Des organisations non gouvernementales, les ONG interviennent dans le jeu en cherchant à influencer directement ou indirectement les pouvoirs publics et les gouvernements émanés pourtant du processus démocratique. Et pourtant, ces ONG elles-mêmes ne justifient d’aucune légitimité démocratique, de par leur constitution, je veux dire de par le processus par lequel elles obtiennent une place sur la scène mondiale !
            6°)- Il y a nécessité pour une authentique gouvernance démocratique mondiale
            Si on peut considérer qu’un minimum de gouvernance globale fonctionne à travers les assises des G7 et G20 par exemple, le fait est que l’agenda de ces réunions s’est limité jusqu’ici à ne prendre en compte que les seuls problèmes mondiaux qui font franchir les frontières étroites des nations et nous installent d’emblée dans la crainte de voir disparaître la cosmopolis entière. Ce sont, par exemple, les problèmes de la réduction de la couche d’ozone, du réchauffement de la planète, du relèvement du niveau des océans, du recours au nucléaire tant dans son usage civil que militaire. Ces problèmes sont perçus comme des menaces pour l’ensemble de l’humanité. Il est donc facile de faire appel ici à la solidarité de tous dans la recherche de leurs solutions.
            Or, le fait est que notre monde humano-socio-culturel crée beaucoup plus de problèmes méritant eux aussi d’être pris en compte dans l’agenda de toute gouvernance globale. Des questions telles celle du fonctionnement de la seule loi du plus fort dans l’ensemble des échanges entre les nations, le creusement continuel du fossé de développement qui sépare les pays de l’hémisphère Nord et ceux de l’hémisphère Sud, la poussée migratoire des pays du Sud pauvres vers les pays du Nord riches, mériteraient de figurer sur l’agenda perpétuel de la gouvernance globale. Ce sont des problèmes globaux qui devraient être traités comme tels. En ce qui concerne par exemple les drames de l’émi-immigration, ce sont des phénomènes pour lesquels des réponses ou des solutions isolées nationalement seraient insignifiantes par rapport aux défis qu’ils engendrent. C’est dire, en bref, que la préoccupation autour de la facilitation d’un développement harmonieux de tous les pays devrait constituer le problème global fondamental dont découlent la plupart des autres.
                        Quel bilan, en guise de conclusion ?
            S’il faut dresser un bilan, on ne saurait  affirmer, sans crainte de se tromper, que l’Afrique ne gagne rien dans le contexte de la mondialisation. Mais, à coup sûr, je peux dire que l’Afrique se trouve désorientée, même là où on pouvait croire qu’elle gagne. Commençons par le cybermonde. Même si ce ne sont que 3% d’internautes que l’Afrique enregistre, nous devons reconnaître qu’elle est partie prenante de cette « ville-monde » composée de privilégiés qui vivent au rythme du temps réel. Mais quelle Afrique est ici représentée ? C’est surtout celle des agglomérations urbaines. Avec le cybermonde, le village global de la communication, il se produit la simultanéité de la mondialisation et de la fragmentation : les relations se resserrent certes dans le monde, mais dans le même temps un fossé se creuse à l’intérieur du village global. Un fossé qui prive la grande majorité de la population constituée de tous ceux qui ne font pas partie de cette nouvelle communauté virtuelle, des avantages de l’Internet que sont par exemple le recours aux messages électroniques de préférence au courrier postal, la lecture des journaux « On Line », l’exploitation des moteurs de recherche qui dispensent de la fréquentation systématique des bibliothèques, la possibilité de réserver ses places et d’acheter des billets d’avion sans se déplacer, etc.
            Va-t-on se consoler de cela en soulignant que pour les mauvais côtés de l’Internet, c’est également dans les rangs de cette minorité que se rencontrent des personnes exposées ? Entrée plus ou moins insidieuse dans les réseaux de la pédophilie et de la prostitution, usurpation d’identité, bref, escroqueries en tous genres ?  Ce serait une mauvaise manière de nous mettre en accord avec nos consciences ! +
Toujours est-il qu’il y a de quoi être embarrassé quand il s’agit de juguler les effets négatifs que le cybermonde produit sur cette communauté virtuelle des internautes , toute petite soit-elle. Faut-il aller dans le sens de la réduction de la fracture numérique entre les pays développés et les pays en voie de développement ou plutôt œuvrer à protéger la grande majorité des populations vivant en zone rurale et n’ayant ps de contact avec le monde virtuel de l’Internet ?. Il est vrai que les statistiques nous laissent découvrir que le taux d’augmentation de la population urbaine se situe déjà pour certains d’Afrique dont le Cameroun, à 54% !
            Au plan économique, nous avons vu que l’Afrique ne bénéficie pas du grand flux des capitaux ni encore moins des délocalisations d’entreprises ; au contraire de cela elle subit l’invasion des produits manufacturés au Nord et qui ne paient pas des droits de douane.
            Un petit espoir a été placé dans l’exploitation de l’AGOA (American Growth Opportuity Act), par lequel les Etats Unis d’Amérique  offrent à trente-huit pays africains l’ouverture du grand marché américain à 6400 produits précis et selon des procédures et des conditions de fabrication bien déterminées. Il y avait lieu d’espérer qu’avec cette opération, des capitaux privés se feraient injecter en Afrique pour la création d’entreprises correspondant aux divers produits admis en franchise sur le marché américain. Il ne pouvait en résulter qu’un renforcement des capacités des opérateurs économiques africains pour une meilleure exploitation de l’offre majeure ainsi obtenue. Je ne pense pas que cela soit le cas, pour le Cameroun tout au moins. Outre cela, l’opération elle-même n’est programmée que pour un temps limité : elle est prévue pour prendre fin en 2015, après être entrée en vigueur en Mai 2000 !
            Les pays développés procèdent souvent par ces sortes de politiques d’annonces spectaculaires et théâtrales destinées à détourner l’attention du vrai terrain sur lequel se joue le destin des pays appartenant au camp des faibles.
            Quelle éthique espérer d’un monde qui ne connaît que la loi de l’intérêt et qui se fait diriger par la loi du plus fort ?
            Il n’empêche que sur notre continent, il se trouve des gens pour parler globalement de l’Afrique comme s’il s’agissait d’un pays et un seul. Or l’Afrique c’est plus exactement 53 Afriques et bientôt cinquante-quatre avec le Sud-Soudan.54 Afriques, c’est 54 centre d’initiatives, 54 souverainetés, 54 centres de décision, avec ce que cela suppose de sensibilités multiples.
            Comment serait-il possible d’atténuer les effets du rapport de forces défavorable à l’ensemble de l’Afrique prise globalement et encore davantage défavorable à chaque pays pris isolément ? Au cours de la Journée d’étude que le Cercle camerounais de philosophie a organisée en novembre 2011 autour du thème de l’idée d’indépendance, j’ai présenté un exposé que j’avais intitulé « L’indépendance dans l’interdépendance ». En cherchant à identifier l’espace d’indépendance que nos Etats pouvaient encore espérer exploiter, j’ai pensé que « l’indépendance devrait chercher à être sauvegardée dans les interstices de l’art de savoir tirer un avantage de la multiple possibilité de partenaires grâce à laquelle on évite de se lier de manière inconditionnelle et permanente avec un partenaire quelconque ». Un non-alignement qui n’a plus rien à voir avec le non-alignement du temps de la guerre froide dominée par la compétition entre deux grands blocs, le bloc occidental libéral et capitaliste et le bloc de l’Est, communiste. Il fallait s’aligner sur l’un ou sur l’autre.Et, dans le mouvement des « Non-alignés » de l’époque, il s’en trouvaient qui demeuraient alignés soit à l’Est, soit à l’Ouest. Le nouveau non-alignement ne consiste pas en cette sorte de difficile équilibre à tenir entre deux blocs. Etant donné que c’est précisément l’idée de partenariat qui est à mettre en valeur, les partenaires conservent ou doivent conserver en toute circonstance la possibilité de se lier à d’autres partenaires, et dans le respect des intérêts de chacun. Telle pourrait être l’expression de l’indépendance aujourd’hui, pour les pays du camp des faibles.
                        Je vous remercie pour votre attention.

                                                                                  E. NJOH MOUELLE
                                                                                  www.njohmouelle.org

 

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