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Conférences en politique
Conférences en politique

            L’ADEQUATION DE LA FORMATION A L’EMPLOI EST-ELLE POSSIBLE ?
                                               Conférence du 8 Mai
            A L’INSTITUT SUPERIEUR DE TECHNOLOGIE APPLIQUEE ET DE GESTION

 

                        Monsieur Le Président du Conseil de l’ISTAG
                        Monsieur le Directeur de l’ISTAG
                        Messieurs et Mesdames les membres du Corps Enseignant
                        Chers étudiants,

Je remercie le Président du Conseil et le Directeur de l’ISTAG de m’avoir invité à venir présenter une conférence sur un sujet qui occupe l’actualité dans pratiquement tous les pays de la planète : l’adéquation de la formation à l’emploi, une formule exprimant une idée aussi séduisante intellectuellement qu’elle est généreuse. J’ai préféré aller droit au but en formulant de manière directe la question suivante : L’ADEQUATION DE LA FORMATION A L’OFFRE D’EMPLOIS EST-ELLE  ENCORE POSSIBLE ?
Et tout d’abord, que sous entend ce questionnement ? Il n’y a qu’un seul terme qui demande à être élucidé bien qu’il ne comporte aucune ambiguïté, c’est le terme adéquation. Que signifie-t-il ? L’adéquation est l’action de faire se correspondre ou concorder parfaitement deux réalités ; en ce qui nous concerne en ce moment, l’adéquation de la formation à l’emploi consisterait, dans un premier temps à faire en sorte que la formation dispensée dans les écoles, les instituts, les facultés réponde chaque fois aux profils d’emplois que les utilisateurs des diplômés recherchent et attendent. Ce qui pourrait exiger que les employeurs et autres utilisateurs des diplômés puissent être associés par les formateurs à la définition  des profils d’emplois  qui les intéresse !
 Dans cette acception, les programmes des divers établissements de formation devraient être conçus et établis avec la participation des milieux professionnels aux élaborations des programmes, par les formateurs. Cela supposerait que les employeurs qui attendent la sortie des diplômés pour les intégrer dans le circuit de la production ou dans le circuit des services soient représentés dans les conseils de direction ou les conseils pédagogiques des établissements de formation. Il s’agirait donc de définir pour chaque formation, le ou les profils d’emplois que les utilisateurs des diplômés seraient les mieux placés à connaître, eux qui en expriment les besoins en rapport avec l’évolution des secteurs concernés de l’économie. C’est dans cette situation qu’on parle à juste titre de la professionnalisation de la formation. En disant cela, on laisse aussi entendre que toutes les formations  ne sont pas professionnelles. Que seraient-elles donc ? Sont-elles justifiées à ne pas être professionnelles ?
Il découle tout naturellement de cette première compréhension de l’adéquation de la formation à l’emploi, une deuxième compréhension : à savoir la correspondance ou la concordance entre la quantité des profils d’emplois formés et la demande de l’économie, autrement dit, le souci de faire en sorte que tous les profils d’emplois formés trouvent à s’employer à la fin de la formation. Autrement dit encore et plus prosaïquement, que l’économie dans son ensemble offre des possibilités d’emplois à tous les formés, à tous les diplômés, de façon à éviter tout chômage ! La question du chômage se profile donc derrière le thème que nous avons à examiner.
La préoccupation concernant la définition de l’adéquation étant réglée, poursuivons l’examen de la question posée en nous arrêtant d’abord un moment sur ce qui se laisse observer à travers les déclarations et les engagements de certains gestionnaires et responsables politiques par rapport à cette question.
QU’OBSERVE-T-ON ? Connaissant les mécanismes du système de toute économie libérale et capitaliste, je suis personnellement étonné chaque fois que j’entends de nombreux Chefs de gouvernements aujourd’hui dans le monde se reconnaître et s’attribuer une responsabilité de premier plan dans le fait que tous les demandeurs d’emplois ne trouvent pas facilement à se faire embaucher !. Ils mettent au premier plan de leurs préoccupations la réduction du taux de chômage, intégrant dans ce vocable de chômage, à la fois des travailleurs ayant perdu leur emploi (ceux qui relèvent du chômage dit frictionnel ou de transition) et les demandeurs de travail que les établissements de formation jettent dans la rue, comme on dit. Il ya aussi ceux qui ne travaillent pas parce qu’ils ne justifient d’aucune qualification professionnelle. Le Président François Hollande de France vient même de laisser entendre qu’il ne se représenterait pas en 2017 à la présidentielle s’il ne réussissait pas à inverser la courbe du chômage. De nombreux candidats à l’élection présidentielle dans divers pays ne manquent pas de se jeter à l’eau en annonçant des chiffres impressionnants de création d’emplois, si les électeurs leur faisaient confiance en leur donnant leurs suffrages !
Mais quand les observateurs des systèmes de formation dans divers pays se plaignent de voir les universités et les établissements spécialisés déverser dans la rue chaque année des milliers de diplômés réduits à se livrer à des travaux subalternes ne correspondant pas au niveau de formation reçue, personne ne fait de distinction entre les formations dispensées. Il y en a qui sont des formations générales, telles que celles dispensées par les Facultés traditionnelles des universités qui ne pratiquent pas le numerus clausus. Il y en a d’autres qui recrutent des effectifs limités et dispensent des formations techniques et spécialisées ; ce sont, pour la plupart, les grandes écoles ou les instituts ; il y en a d’autres encore qui dispensent des formations dans des secteurs de pointe.
Quand on s’indigne du fait que de nombreux diplômés soient jetés dans la rue sans emplois, on oublie de prendre en considération des postulations, ou des positions idéologiques des temps présents, qui sont des postulations du genre : Il faut démocratiser l’éducation ; c’est un droit, le droit à l’éducation qui devrait être honoré. Et de fait, il y a eu démocratisation de l’éducation un peu partout dans le monde .Et le fait de rendre l’école et l’instruction obligatoires et même gratuite, visait à donner aux apprenants, donc à la jeunesse, un niveau de culture personnelle susceptible de contribuer à l’édification de leur personnalité de base et qui soit de nature à leur permettre de s’adapter et de réaliser leur insertion dans la vie. C’est bien pour prendre en compte cette orientation démocratique que l’État offre le plus largement et gratuitement toutes sortes de formation, à partir de la formation de base, par opposition aux établissements privés qui sont payants.
 Quand on s’indigne de l’existence de gros effectifs de chômeurs à la recherche d’un emploi, on ne prend pas en compte, dans ce flou général de revendications, les ambitions et les rêves personnels des jeunes demandeurs d’éducation dont certains, de plus en plus nombreux, vont grossir les effectifs des universités, courent après le titre de docteur, pour une affaire de prestige à la fois personnel et familial.
Quand on s’indigne de la sorte, on oublie complètement que ce sont ceux qui jouent le rôle moteur dans la production économique qui créent des possibilités d’emplois sur la base des carnets de commandes plus ou moins remplis et fournis. Je veux parler des entreprises et des entrepreneurs qui ne recrutent pas par simple philanthropie, mais par nécessité et dans le cadre des objectifs de production correspondant à l’état du marché, aussi bien national qu’international, c’est-à-dire sur la base de la demande de consommation. Les chefs d’entreprises en économie libérale donnent la priorité à la rémunération du capital, c’est-à-dire au service des dividendes aux actionnaires. La masse salariale se doit toujours d’être maintenue dans des limites qui ne frustrent pas les actionnaires et tiennent compte de l’augmentation du chiffre d’affaires, proportionnellement à l’amélioration de la productivité. A travers les résultats de la recherche et la place prise par l’automation et la robotisation, les progrès en matière de productivité ont plutôt parfois poussé à la réduction des effectifs des personnels salariés dans les pays technologiquement les plus avancés.
            ALORS, CEUX QUI EXIGENT UNE ADEQUATION DE LA FORMATION A L’EMPLOI TOUT COMME CEUX PARMI LES RESPONSABLES QUI PROMETTENT DES EMPLOIS QU’ILS N’ONT PAS LE POUVOIR DE CREER, MAIS QUI PROMETTENT DE METTRE FIN AU CHOMAGE,OUBLIENT-ILS TOUT CE QUE NOUS VENONS DE RAPPELER ET QUI CONCERNE LE FONCTIONNEMENT DE L’ECONOMIE LIBERALE ?
            Je vais donc défendre devant vous les deux  points suivants :
PREMIEREMENT : Trois situations seulement se sont trouvées dans l’Histoire qui ont pu être des situations ayant connu l’adéquation de la formation aux possibilités d’emplois ; ce sont les situations de l’économie pré-industrielle dominée par l’agriculture et l’artisanat, la situation des régimes communistes d’économie dirigiste et, les Trente Glorieuses (1945- 1973) de l’histoire de l’économie libérale dans les  pays de l’OCDE( Organisation de coopération et de développement économique).
DEUXIEMEMENT : Aujourd’hui, dans certains pays très développés, il devient difficile de réaliser la croissance (augmentation des richesses et des chiffres d’affaires) qui suppose un progrès en matière de productivité, seule condition pouvant favoriser le plein emploi, autrement dit de revivre l’expérience des Trente Glorieuses. Par contre en ce qui concerne l’Afrique et en particulier le Cameroun, on peut dire que tout est encore à faire en ce qui concerne la recherche de la croissance et l’amélioration de la productivité, seuls facteurs de création d’emplois et du développement par l’industrialisation massive.
                                                           PREMIER  POINT
Trois situations seulement se sont trouvées dans l’Histoire qui ont pu être des situations ayant connu l’adéquation de la formation aux possibilités d’emplois ; ce sont les situations de l’économie pré-industrielle dominée par l’agriculture et l’artisanat, la situation des régimes communistes d’économie dirigiste et, les Trente Glorieuses (1945- 1973) de l’histoire de l’économie libérale dans les  pays de l’OCDE( Organisation de coopération et de développement économique).
Quelles étaient ou quelles sont les caractéristiques de l’économie pré-industrielle ? La première caractéristique et la plus déterminante, par rapport à la question qui nous préoccupe, est indiscutablement la prépondérance de l’agriculture. En effet, en Europe, dans les deux pays qui ont accompli les premiers leur mutation industrielle, à savoir l’Angleterre et la France, l’agriculture représentait la moitié et les trois quarts du revenu national, respectivement. 80% au moins de la population vivait et travaillait en campagne. La terre était le signe de la fortune et de la puissance. Les gens vivaient en autarcie à peu près complète, avec parfois une activité artisanale de complément. Pendant cette période, partout dans le monde, les techniques ont peu progressé et les productivités étaient faibles. Les paysans fabriquaient eux-mêmes les objets de première nécessité : tissus, vaisselles, petit outillage, meubles. A leurs côtés, des artisans qui gardaient souvent une petite exploitation agricole, produisaient des objets mieux finis. Dans ce contexte, la formation se faisait sur le tas, c’est-à-dire en travaillant comme apprentis chez un maître artisan. Et selon les besoins limités du maître artisan qui ne formait pas pour former, mais en effectifs très limités pour des apprentis qui avaient comme  vocation d’aller s’installer pour leur propre compte plus tard.
Il s’agit d’une condition dont notre Afrique n’est pas encore sortie aujourd’hui. L’agriculture occupe encore de nos jours 70% de la population active camerounaise.  Je vais y revenir.
Une deuxième caractéristique des économies pré-industrielles se trouve dans la faiblesse de la circulation. Il s’agit d’économies figées. Les hommes, les marchandises, les capitaux y circulent peu. Aucun marché unifié n’y est dégagé. Pour le transport, les voies d’eau restent le moyen le plus sûr. Un seul secteur est en rapide évolution, celui du grand commerce maritime transocéanique et colonial.
Il importe de souligner qu’en Europe aussi bien qu’en Afrique, pendant que prédominait l’agriculture et avant l’industrialisation, le travail reposait sur les cellules familiales exploitées par des féodalités régnantes dont certaines s’attribuaient la propriété de toutes les terres qui ne pouvaient par conséquent qu’être concédés à des sujets du roi pour être mises en valeur, moyennant rétrocession de la dîme en nature. Dans ce contexte donc, il ne pouvait pas se poser la question de l’adéquation de la formation à l’emploi. C’est le lieu de rappeler en ce qui concerne l’Afrique, une des justifications de la polygamie et de l’existence de familles nombreuses par le besoin de main d’œuvre pour les travaux agricoles.
            Les économies communistes
Considérons ici, et rapidement, le cas de l’ancien régime soviétique communiste. Tout de suite au lendemain de la révolution de 1917, l’obligation de travailler est inscrite dans le code du travail russe. En 1930, la disparition du chômage est décrétée, à un moment où se pose le problème de la pénurie de la main-d’œuvre, dans un contexte d’industrialisation rapide. Puis les années 1930 inaugurent une planification centrale de l’emploi. La plupart des ouvriers et des spécialistes sont recrutés, soit par des entreprises, soit par un bureau central de l’emploi dans les grandes villes. Du fait de l’absence officielle du chômage, la concurrence entre les entreprises pour l’embauche est très forte sur le marché de l’emploi. L’article 40 de la Constitution de 1977 (la dernière de l’URSS) entend garantir le plein-emploi. Voici le texte intégral de cet article : «  Les citoyens de l’URSS ont le droit au travail ( c’est-à-dire à un emploi garanti et à une rémunération en proportion de la quantité et de la qualité de leur travail, et pas en dessous du minimum établi par l’État, y compris le droit de choisir leur métier ou profession, le type d’emploi et de travail conformes à leurs ambitions, leurs capacités, leur formation et leur éducation, en tenant compte des besoins de la société. Ce droit est garanti par le système économique socialiste, la croissance soutenue des forces productives, la formation technique et professionnelle gratuite, l’amélioration des compétences, la formation à de nouveaux métiers ou professions, et le développement des systèmes d’orientation professionnelle et de placement du travail ».
Tout le monde avait donc un emploi, mais un emploi misérablement payé ; et comme les entreprises étaient en réalité des administrations, c’est-à-dire sans véritable hiérarchie ni pouvoir de coercition ou de sanctions, les travailleurs n’en faisaient que le minimum. C’était une économie « administrée ».
 Le Tente Glorieuses
Les années 1945-1973 sont celles pendant lesquelles l’Europe connaît des changements sociaux majeurs qui vont marquer son passage à la société de consommation, quarante années après les États-Unis. La croissance est forte en Allemagne, en France, en Italie, au Canada et au Japon, tirée par l’investissement et la consommation. A la fin de la deuxième guerre mondiale, la reconstruction des pays dévastés a favorisé le plein emploi dans la majorité de ces pays. La production industrielle a connu une très forte croissance, en moyenne 5% Entre 1950 et 1973, le taux de chômage du Japon s’établit à 1,3%, celui de la France à 1,8%, celui de la RFA sera même inférieur à 1% sur la fin de la période. La Suisse connaîtra un taux de 0% entre 1960 et 1973 tandis que celui des États-Unis s’établit à environ 4,5%. Or, comment se définit le plein-emploi ? C’est la situation d’une zone donnée dont le chômage est réduit au chômage frictionnel, encore appelé chômage de transition ou chômage incompressible : c’est un chômage de courte durée existant entre l’arrêt d’un emploi et le début d’un autre. Cette situation (de plein – emploi)correspond à un taux de chômage inférieur à 5% au sens du BIT. Pour d’autres instances de définition, le plein-emploi n’existe que lorsque le taux de chômage global est marginal, soit moins de 1%. Les pays que nous venons de citer avaient donc réussi à réaliser le plein-emploi.
La croissance a été soutenue par la diffusion des nouvelles technologies, comme le transistor, ou les matières plastiques, consécutive à l’extraction du pétrole et à la hausse du pouvoir d’achat, jusqu’en 1973. C’est un boom économique caractérisé par le développement de l’industrie (la plupart des villes ont eu  leur zone industrielle), le développement massif du machinisme, le développement des secteurs du bâtiment et des travaux publics, le développement massif des exportations, l’augmentation du niveau de vie.
 En conséquence, produire en masse, acheter, consommer et même gaspiller (eau, accumulation des déchets) était devenu des habitudes pour les citoyens des pays de l’OCDE. Deux phénomènes se fécondant mutuellement se sont produits pendant cette période : d’un côté l’exode rural des paysans et, de l’autre côté, l’émergence de la production industrielle de masse. La part de la population travaillant dans le secteur primaire agricole est passée de 27,5 % en 1950 à 11,4 % en 1970. La modernisation de l’agriculture (mécanisation, remembrements, apparition des engrais chimiques, sélection des plantes et des races d’animaux, etc.) provoque une augmentation des rendements et des changements importants. Les paysans les plus expérimentés se transforment en véritables chefs d’entreprises et s’endettent pour agrandir et moderniser leurs exploitations. De nombreux autres quittent le monde rural pour aller travailler en ville. Dans un premier temps, le nombre des ouvriers spécialisés augmente fortement. Le travail à la chaîne, déjà présent, se généralise en Europe pendant les Trente Glorieuses.
Ce qui m’importe dans les trois situations évoquées c’est de dire qu’il s’agit de situations qui ne posaient pas le problème de l’adéquation de la formation à l’emploi. L’expression des besoins et des  profils a même précédé la formation On a beaucoup investi dans les procédés de fabrication. La main d’œuvre a glissé du secteur primaire au secteur secondaire et tertiaire : ce qui a exigé une formation de plus en plus élevée. La recherche –innovation a été mise à contribution de manière très significative, de la même manière que les pays émergents d’aujourd’hui  y ont également eu recours.
                                                          
DEUXIEME POINT
Aujourd’hui, dans certains pays très développés, il devient difficile  de réaliser la croissance (augmentation des richesses et des chiffres d’affaires) qui suppose un progrès en matière de productivité, seule condition pouvant favoriser le plein emploi, autrement dit de revivre l’expérience des Trente Glorieuses. Par contre en ce qui concerne l’Afrique et en particulier le Cameroun, on peut dire que tout est encore à faire en ce qui concerne la recherche de la croissance et l’amélioration de la productivité, seuls facteurs de création d’emplois et du développement par l’industrialisation massive.
Les chiffres du chômage de quelques pays européens, à fin décembre 2013,donnent pour la France par exemple 10,8% de la population active qui chôment, 25,8% pour l’Espagne, 27,8% pour la Grèce, 16,6% pour le Portugal en Octobre 2013, 5,1% pour l’Allemagne en nov. 2013. ( l’Allemagne est une exception). Ces pays vivent une déjà longue période de chômage qu’ils ne parviennent pas à résorber. Le plein –emploi de la période des « Trente Glorieuses » est difficile à reproduire. Vue de l’extérieur, il serait tentant de vouloir expliquer cette situation par le fait qu’il s’agit de pays déjà développés et ayant par conséquent atteint un palier d’accomplissement tel que la formation et la demande d’emplois, continuent de se produire alors que l’âge pour le départ à la retraite se fait de plus en plus reculer et  que la productivité, (c’est-à-dire l’ensemble des ingrédients nécessaires à la production des biens et des services : travail, capital, investissements, matières premières, etc) ne connaît pas de progrès pour garantir la croissance ( c’est-à-dire la création des richesses), les demandes de formations spécifiques  n’étant pas stimulées ! Pour des pays qui sont déjà passés par un stade d’industrialisation massive, et par conséquent de forte et constante croissance, il devient difficile de réaliser une amélioration de la productivité qui suppose une demande de consommation qui elle-même commande la croissance ( c’est-à-dire une augmentation de création des biens de consommation,  des richesses et des chiffres d’affaires) !
Les responsables à la tête des États continuent pourtant d’afficher leur volonté de chercher à réunir les conditions permettant de réduire substantiellement le chômage, c’est-à-dire de créer des emplois. Parmi les solutions auxquelles ils font parfois recours, il y a celle du partage du temps de travail qui revient à faire soit du temps partiel, soit à réduire le temps légal du travail. . C’est bien ce qu’avait fait en France le gouvernement de Lionel Jospin, en ramenant de 39 à 35 heures le temps légal de travail sans diminution de salaire mensuel. Selon les économistes de Droite, le prix de l’heure de travail a été alourdi ; ce qui aura eu pour conséquence d’entraîner une relative désindustrialisation (or le travail ou la ressource humaine n’est pas le seul facteur de productivité ; il y a aussi l’énergie, le capital, les machines, etc.). Autrement dit, à vouloir se donner comme priorité des priorités la réalisation du plein-emploi et la suppression du chômage, on sacrifie la croissance,  on sacrifie en réalité l’économie au profit du social, on oublie que les facteurs de productivité ne se réduisent pas à la seule force de travail humain.. Or, l’autre fait  indiscutable est que l’immense majorité des gens qui ont un emploi, ne peuvent  en aucun cas accepter de perdre le moindre pourcentage de leur rémunération pour la partager avec des chercheurs d’emplois.
            Si on considère cette orientation de la recherche des solutions au problème du chômage en direction de la réduction du temps légal  du travail ou du travail à temps partiel, on se rend compte que le fond du problème ne se situe plus dans la problématique de l’adéquation de la formation à l’emploi. Tout se passe comme si la formation a continué de se faire tandis que la réalité de l’économie ne suivait plus. Un fait qui se traduit par l’exode des diplômés des pays européens soit vers l’Asie, soit vers les États-Unis. Le même exode vers l’Étranger se produit des pays africains vers  l’Extérieur, mais sans qu’il y ait similitude des situations.
Dans au moins un pays européen, la France, le débat entre la Gauche et la droite, les libéraux capitalistes et les socialistes tourne autour de la place à accorder ou à ne pas accorder à l’emploi public, à travers notamment les emplois-jeunes qui sont entièrement financés par le budget des collectivités ou de la Fonction Publique.
Du point de vue des conservateurs des partis de Droite, quand on gonfle l’emploi public, cela alourdit la charge du budget des collectivités, contraignant celles-ci  à alourdir les impôts ou à emprunter plus largement sur le marché des capitaux. Or, alourdir les impôts sur les entreprises, alourdit leurs coûts de production et dégrade  donc leur compétitivité, ce qui les affaiblit par rapport aux produits importés et  conduit à des faillites qui elles-mêmes provoquent des licenciements, des pertes d’emplois.
 Par contre pour les économistes de gauche, cet effort de la collectivité qui se traduit par plus d’impôts et plus d’emprunts permet de distribuer un pouvoir d’achat qui va se transformer en consommation, donc en activité productive(consécutive à la demande de consommation), c’est-à-dire finalement en emplois.
Revenons à présent à notre Afrique et en particulier à notre Cameroun. Le Cameroun n’en est pas encore à ce stade de sophistication consistant à chercher la solution du plein-emploi dans la réduction de la durée du temps légal de travail, l’adoption du temps partiel  ou du partage du travail. Je vais considérer notre problème sous deux angles : celui par lequel j’ai affirmé dans l’énoncé du 2é point que comparé aux Trente Glorieuses européennes, L’Afrique a encore tout à faire, et je sous-entends par là, d’un côté, la mise en branle de tous les facteurs de la productivité par le secteur privé et, d’un autre côté le rôle déterminant de la puissance publique que les partis de gauche mettent en exergue en Europe, tandis que les partis de droite font davantage appel au jeu mécanique des lois du marché dans le système libéral et capitaliste.    
Le rôle de la puissance publique ou du pouvoir d’État est incontournable. C’est en pensant à l’État qu’on pose la question de l’adéquation de la formation à l’emploi. Car, qui doit réaliser cette adéquation ? Elle ne se fait pas toute seule, même dans les États qui  ne sont pas les régulateurs du système éducatif et ne disposent pas d’un ministère de l’Éducation Nationale ou d’un ministère de l’enseignement supérieur. La tradition française  a légué aux anciennes colonies une conception centralisée de l’organisation de l’éducation. Si pendant la colonisation la formation était dispensée à un petit nombre pour servir juste les besoins  en auxiliaires de l’administration coloniale, avec les indépendances, les pays africains ont démocratisé l’éducation considérée aujourd’hui  comme un droit, le droit à la culture. Les premières années de l’indépendance ont connu une relative adéquation de la formation à l’emploi, mais il faut le dire, aux emplois administratifs.
Quand est venu le moment de s’attaquer au problème du développement économique, c’est-à-dire au problème de la croissance considérée comme création de richesses, certains pays, tel le Cameroun ont vu le pouvoir d’État s’engager dans la production économique en créant de nombreuses sociétés d’État. Citons, au hasard, quelques-unes de ces sociétés : La SONEL, la SNEC, La CAMSUCO, LA SOCAPALM, HEVECAM, La SODECAO, CHOCOCAM, La BCD, La CAMSHIP, SOFIBEL, FONADER, l’ONAREF, L’OCB, etc. Il n’est pas question pour moi ici, d’entrer dans les détails donnant les motifs d’échecs de ces entreprises d’État. Le fait est qu’elles ont donné du travail grassement rémunéré à des diplômés nationaux. Ce que nous retenons de cette expérience s’appelle l’échec de l’État dans le rôle de producteur, de la même manière que  cela a aussi été enregistré dans l’ancienne URSS. Ce qui a manqué à ces entreprises ce ne sont pas les diplômés qualifiés ; on a parlé de la mauvaise gestion, c’est exact. Tout s’y était passé comme si l’essentiel consistait à donner du travail bien rémunéré, non à des agents productifs et soucieux du rendement, mais à des clients politiques. L’importance de la masse salariale était telle qu’elle ne pouvait que limiter la  productivité.
Les privatisations réalisées sous la forte pression du FMI ont entraîné de très importantes  compressions des effectifs. Le constat qui est fait aujourd’hui est que ces privatisations elles-mêmes ne donnent pas toutes, les résultats espérés. Tout s’était passé pour le FMI et la Banque Mondiale comme si l’État était lui-même l’entreprise- Cameroun et la Fonction Publique une masse salariale d’entreprise qu’il aura fallu dégonfler par le fameux POE ( Programme d’Organisation des effectifs) par le biais duquel se sont vus fermées de nombreuses écoles de formation ( Instituteurs-adjoints, sages-femmes et infirmières, par exemple).
Si l’État doit veiller à l’adéquation de la formation à l’emploi, c’est dans le cadre d’une conception libérale de cette relation, qui distingue entre les diplômes d’État délivrés sur une base de programmes définis et arrêtés en tenant compte de la nécessaire ouverture au reste du monde, et les dipômes délivrés par des institutions privées. . A côté des diplômes d’État, des établissements privés  regroupés par spécialités conservent la possibilité de s’organiser en des associations  se donnant entre autres attributions, celles d’accréditer les diplômes délivrés par les institutions membres, sous le contrôle de l’État, tout à fait à l’image de ce que font les États-Unis. Il appartiendrait au marché du travail, dans cette logique, de valoriser les diplômés de tel ou tel  institut de formation qui auront le mieux associé les opérateurs économiques à la fixation de leurs programmes et qui  seraient jugés  soit positivement soit négativement, en raison des faibles niveaux de satisfaction que donneraient leurs détenteurs auprès de leurs utilisateurs. Je pense que l’avenir est à chercher dans cette direction qui encourage la concurrence dans la formation, pour une bien solide compétition entre les entreprises qui devraient occuper leur véritable place de moteurs de l’économie et de créateurs d’emplois.
La Banque Mondiale édite chaque semestre une publication intitulée « Les Cahiers Économiques du Cameroun ». Dans le numéro de janvier 2012 j’ai pu lire que « la grande proportion de la main-d’œuvre exerce dans l’informel. Et que si le taux de chômage est bas au Cameroun, à savoir 3,8% en 2012, c’est parce que la plupart  des Camerounais ne peuvent pas se permettre de ne pas travailler ». Si on cherche à savoir où sont les emplois, globalement parlant, on se rend compte que le secteur privé formel n’emploie que 4% de la main-d’œuvre active, le secteur public 6%, l’informel non-agricole 37% et l’informel agricole le plus gros, soit 53%. Le taux de chômage au sens strict  de 3,8% est d’autant peu rassurant qu’il cache une réalité très importante de sous-emploi évalué à 70% et concentré dans l’informel agricole et l’informel non-agricole. Le sous-emploi caractérise la condition du travailleur qui  travaille moins de 40 heures par semaine et s’occupe des tâches qui ne lui demandent pas de mettre à contribution le niveau de formation acquis. Ce sous-emploi est estimé par la Banque Mondiale à 38% dans le secteur public, 28% dans le secteur privé formel, 60% dans le secteur informel non-agricole et 82% dans le secteur informel agricole.
Quant à la formation, comment se répartit-elle, ne serait-ce qu’au niveau de l’enseignement supérieur général et technique ? L’Ingénierie ne représente que 5% des formés ; l’économie et la gestion 26%, les sciences 22%, les sciences humaines 20%, le Droit 24%, la santé 2% les sciences de l’éducation 1%. Les établissements d’enseignement technique et professionnel accueillent peu d’étudiants et se concentrent sur quelques filières telles que le bâtiment qui reçoit à lui tout seul 25% des effectifs, tandis que l’agriculture n’occupe que 1% dans cette préoccupation de formation, et le tourisme 3%. Les lycées agricoles sont encore en gestation.
Si le Cameroun doit chercher à devenir un pays émergent, il se lance à lui-même un défi important de donner un énergique coup de fouet à son programme d’industrialisation. Car l’industrialisation diversifiée crée des emplois. En effet l’émergence se présente comme une énorme perspective de création d’emplois appelant une politique conséquente de formation. Cela suppose que nos économies soient réellement prises en main par de véritables entrepreneurs du développement sachant prendre des risques, et à même d’inspirer confiance aux investisseurs ;des entrepreneurs qui soient des industriels qui sachent faire recours à la recherche-innovation abondamment utilisée par les pays émergents d’aujourd’hui que sont la Chine, l’Inde ou le Brésil, par exemple.
Aujourd’hui si le chômage en une ville comme Yaoundé est de 10%, dans les zones rurales il est de 1,4%, autant dire qu’il n’y a pas de chômage en zone rurale.  Et pourtant il n’y a que 28% des terres fertiles et  cultivables qui le sont. Il reste encore beaucoup à faire pour notre agriculture ; le passage annoncé à l’étape de l’agriculture de seconde génération appelle de manière urgente l’avènement de l’entrepreneur agricole devant faire passer le Cameroun du stade des exploitations familiales et de petites dimensions, au stade des grandes exploitations avec en arrière-plan l’intensification de l’agro-industrie. Toutes choses qui vont conduire à l’expression de gros besoins en matière d’ingrédients de productivité (capitaux, investissements, ressources humaines, recherche-innovation, etc) ainsi qu’à une expression équivalente en besoins de main-d’œuvre.
De fait, pratiquement tous les pays émergents sont sortis du stade d’une économie dominée par le secteur primaire qu’est l’agriculture. Dans son article publié le 25/01/11 dans La Libre Belgique Isabelle de Laminne écrit qu’un pays émergent est un pays dont « la croissance n’est plus basée sur l’exploitation agricole mais sur une industrie en pleine croissance ». Le taux de participation des pays émergents au commerce mondial des produits manufacturés et non des produits de rentes est un révélateur de leur bon niveau d’industrialisation.  Les cinq grands émergents ont doublé leur poids dans les exportations mondiales de produits manufacturés entre 1993 et 2004.  La Chine est passée de  3 à 8,7%, le Mexique de 1,4 à 2,2%, le Brésil de 1 à 1,1%, l’Inde de 0,5 à 0,8%, la Russie  aussi de 0,5 à 0,8%. Pour le Cameroun, à titre indicatif et sur la base des statistiques de la Banque mondiale, la part prise dans le commerce mondial en 2008 et 2009 était respectivement de 0,70% et -4,80%. La composition du PIB en 2009 donnait 20,3% pour l’agriculture, 30,5% pour l’industrie et 49,2% pour les services.
CONCLUSION
On ne peut pas continuer de parler de l’adéquation de la formation à l’emploi d’une manière générale et systématique, avec, en arrière-pensée, le rêve de voir coïncider dans un pays, le nombre et la qualité des diplômes et des  qualifications professionnelles avec le nombre et la qualité des qualifications offertes par les entreprises et les services publics.
A une époque  donnée, tout se passait comme si la liste des emplois était fixée, demeurait stable et entraînait aussi une longue stabilité des travailleurs dans leurs emplois et dans leurs entreprises. Puis, avec les progrès scientifiques et techniques, de nouveaux emplois sont apparus, qui ont entraîné l’apparition de nouvelles nécessités de formation qualifiantes. Dans les pays en développement comme le Cameroun, l’industrialisation se produisant très lentement, il est inévitable de constater un grand décalage entre les effectifs des diplômés et la capacité d’absorption des entreprises existantes. Il fut un temps où les diplômés de l’École Nationale Supérieure Polytechnique de Yaoundé étaient tous recrutés et remarqués pendant leur stage en entreprise. Ce n’est plus le cas depuis bien longtemps. En fait, l’État forme, au niveau des institutions publiques, motivé par le souci démocratique de dispenser une formation et une culture générales au plus grand nombre de demandeurs d’éducation, surtout au niveau de l’enseignement supérieur. Pour ce qui est de la professionnalisation de la formation universitaire dont il est question depuis la fin des années 80, une très étroite coopération avec les entreprises du secteur privé s’impose. De même qu’il s’impose au secteur privé de prendre en main l’organisation de la formation professionnelle en rapport avec les besoins des entreprises et avec le souci d’une harmonisation rigoureuse en termes de programmes, de méthodes et de qualification des enseignants, afin d’aboutir à la mise en place d’un processus devant conduire à la reconnaissance par les entreprises du même secteur d’activités, des diplômes privés devant entrer en compétition sur le marché national et régional du travail. L’article des « Cahiers Économiques » du Cameroun auquel je me suis référé préconisait aussi qu’il soit créé des cadres juridiques permettant aux entreprises de nouer des partenariats avec des centres de formation.
Finalement : Si le présupposé qui se profile derrière ce souci de faire correspondre la formation à l’offre d’emplois devait s’appeler le «droit au travail », il y aurait lieu de se demander si le travail, au lieu d’être un droit, ne serait pas plutôt un devoir de tout citoyen qui devrait choisir sa formation en fonction des emplois offerts, à moins de prendre à cœur l’objectif de se faire soi-même créateur d’emploi ?L’Union soviétique n’avait-elle pas fait du travail une ‘’obligation’’,c’est-à-dire un devoir ? N’avons-nous pas ces derniers temps mis beaucoup trop d’accent sur les droits et très peu sur les devoirs de l’homme ?  Quoi qu’il en soit, il est question pour le Cameroun aujourd’hui d’inverser le rapport qui existe entre l’informel qui ne génère que très peu d’argent et l’économie formelle et structurée qui ambitionne des taux de croissance ne se limitant pas à la simple lutte contre la pauvreté , mais à la véritable et authentique création des richesses qui soient le mieux réparties possible entre les diverses couches de la société.
Bref, ne s’agit-il pas de reconnaître qu’il est difficile d’opérer un retour à l’État-Providence ?
                                                                                  E. NJOH MOUELLE

 

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