35è JOURNEE
INTERNATIONALE DE LA
FRANCOPHONIE
TABLE RONDE DU LUNDI 21 Mars 2005 au Centre Culturel Français
de Yaoundé
Thème : La francophonie, espace solidaire pour un développement
durable
INTERVENTION DE M. NJOH-MOUELLE
LA SOLIDARITE DANS L’ESPACE FRANCOPHONE
(Texte intégral )
Je vais parler de la solidarité ici comme d’un devoir
résultant de l’interdépendance actuelle des diverses
composantes de l’espace francophone, le devoir de solidarité.
La nécessité éprouvée en 1987 au 2è Sommet à Québec,
d’adopter le texte baptisé « Déclaration
de solidarité francophone », (Annexe 24) ainsi que le
choix du thème du Sommet de Ouagadougou de Novembre 2004, à savoir « Espace
solidaire pour un développement durable », attestent un
fait : le réflexe solidariste dans l’espace francophone
ne peut être que cultivé et entretenu de façon
volontariste. Il n’a rien de naturel ni de prédéterminé.
Dans son ouvrage « La Division du travail social », le
sociologue Durkheim a défini deux sortes de solidarité :
la solidarité mécanique et la solidarité organique.
La solidarité mécanique se fonde sur les ressemblances
entre les diverses composantes du groupe, tandis que la solidarité organique
se fonde sur les différences de fonctions. En faisant extension
au groupe des Etats nations de ce que Durkheim dit du groupe constitué de
sujets individuels, je dirais, par exemple, que c’est la solidarité mécanique
qui est à l’œuvre lorsque l’Union européenne
dégage les capitaux nécessaires à la « mise à niveau » des économies
des pays candidats à l’admission au sein de l’Union,
des économies manquant encore de quelque chose pour ressembler à celles
en compagnie desquelles elles aspirent à se déployer.
Les anciens pays de l’Europe de l’est, l’Espagne
elle-même, ont bénéficié de cette mesure
de « mise à niveau ».
La solidarité qui lie les cinq grosses entités de la francophonie
aux autres nations francophones du reste du monde se fonde quant à elle
et malgré l’usage d’une langue commune, sur les différences
(et non sur les ressemblances) et dont les principales sont les différences
de fonctions. C’est une solidarité de complémentarité et
d’interdépendance qui a fonctionné depuis toujours comme
une sorte de division du travail entre producteurs d’un côté et
consommateurs de l’autre. En fait, les écarts de niveau entre
les économies du Nord et celles du Sud sont si énormes que la
seule forme de « solidarité » qui a fonctionné jusqu’ici
dans l’espace francophone tout comme dans le grand espace mondialisé s’est
exprimée jusqu’à ce jour par le biais de ce qui s’est
appelé l’Aide publique au développement (APD) et l’assistance
technique. A-t-il jamais existé dans cette expression de la solidarité,
quelque chose qui ait ressemblé à une « mise à niveau » ?
Sûrement pas.
Il me semble pourtant que la solidarité dans l’espace francophone
devrait se donner comme finalité dernière la « mise à niveau » des économies
des pays pauvres par rapport aux économies des pays riches. C’est
pour cela que j’ai intitulé mon propos : approfondir et renforcer
la solidarité francophone Si je reviens sur le texte de la déclaration lui-même
ce sera pour relever l’insistance avec laquelle ce texte invoque
les notions, non seulement de solidarité mais également
de volonté : « Reconnaissant une même volonté de
contribuer à un équilibre renouvelé de nos rapports », « Convenons…par
une volonté de relever ensemble les grands défis de développement
et de modernisation », « Convenons que la volonté qui
préside à notre entreprise commune doit se traduire en
engagements et en réalisations concrètes pour notre bénéfice
mutuel ».
CE QUI NOUS UNIT ET CE QUI NOUS SEPARE
Ce qui nous unit c’est la langue. La francophonie a choisi de
désigner son facteur unificateur par la langue ; là où,
du côté anglo-saxon, de manière plus pragmatique
et réaliste, on a choisi de mettre l’accent sur les richesses
et les biens communs : le commonwealth. Dans quelle mesure la langue
française unit-elle ou cimente-t-elle les relations dans l’espace
francophone ? Sur 580 millions d’habitants qui peuplent l’espace
francophone, seulement 110 millions parlent le français comme
première langue. On ne peut même pas dire que tous les
470 millions restants parlent le français. Il n’ y en
aurait que 175 millions au total qui parleraient le français.
C’est dire que ce qui nous unit est très peu de chose
et demeurera très peu de chose si la volonté politique
d’envisager le développement comme une « mise à niveau » des économies
ne se donne pas de nouvelles énergies, car, de tout ce qui nous
fait différents et nous divise, l’économie est
le facteur le plus déterminant.
En Voici quelques statistiques généralement plus éloquentes
que les discours :
En 2004 par exemple, 19% seulement des 580 millions d’habitants
de l’espace francophone ont produit 87,2% du P.I.B. de la zone,
soit 3300 milliards d’euros (ce qui donne à peu près
2.200.000 milliards de francs Cfa). Il s’agit des cinq grandes
entités les plus riches que nous connaissons tous (France Canada,
Québec, Belgique, Suisse). L’espérance de vie va
de 49 ans dans les pays du Sud, globalement, à 82 ans au Nord.
Au Cameroun il était estimé à 54 ans pour les
hommes et 55 ans pour les femmes, en 2001. . L’ACTION DE L’AGENCE INTERGOUVERNEMENTALE
DE LA FRANCOPHONIE
Comment s’est donc exprimée la solidarité dans ce contexte,
cette année et l’année écoulée par exemple
? Pour répondre à cette question commençons par jeter
un coup d’œil sur la liste des programmes de l’Agence qui
sont soumis à la procédure d’appels à propositions
: il s’agit des programmes dans les domaines :-Des Arts et Cultures,du
Cinéma et des médias, du développement et de la solidarité,
du français et des langues partenaires, des technologies de l’information.
Considérons à présent quelques projets précis ayant
bénéficié d’une aide financière. Les plus
riches ont prêté de l’argent aux plus pauvres. Mais combien
? Moins de 0,1% de leur PIB qui n’augmentent que très faiblement
le niveau de vie de nos pays.
En Juillet 2004, le journal Fraternité Matin de Côte d’Ivoire
et l’Orient-le jour du Liban ont reçu de l’Agence Intergouvernementale
de la francophonie un soutien financier de 45 000 euros, soit 29 518 065 francs
Cfa. Dans le cadre du programme « développement solidaire »,
en Juillet 2004 toujours, 14 projets de développement communautaire
ont obtenu un financement global de 168.000 euros et se répartissaient
entre 11 pays ; ce qui donnait en moyenne, par pays, 10.018 232 francs Cfa
et, par projet : 7.871 484 francs Cfa.
Les 14 projets ont été sélectionnés à la
suite d’un appel public à propositions, tels qu’on en trouve
d’autres, en ce moment même sur Internet, selon un agenda qui comporte
comme date butoir le mois de Juin 2005. Les projets retenus l’année
dernière concernaient en majorité des activités visant à l’amélioration
sanitaire ou socio-économique des communautés rurales, notamment
des femmes.
Pour l’année 2005 en cours, et dans la domaine de la production
audiovisuelle, 20 films et productions télévisuelles sont mis
en chantier dans 11 pays francophones du Sud et recevront une aide globale
de 823.000 euros de l’Agence Intergouvernementale de la Francophonie.
823 000 euros c’est 539.852.610 francs Cfa, soit en moyenne et par film
26.992.631 francs Cfa.
Dans la rubrique « Société de l’information »,
huit nouveaux projets pour la production de contenus francophones sur Internet
seront financés par l’Agence Intergouvernementale de la Francophonie,
au titre du Fonds francophone des info routes, pour un montant global de 700.000
euros, soit 459 169 900 francs Cfa., ce qui donne en moyenne par film 57.396
238 francs Cfa. Le programme des Arts et Culture aussi a bénéficié de
l’organisation de deux séminaires professionnels réservés à une
cinquantaine d’entrepreneurs culturels et consacrés au problème
d’accès au financement bancaire et à la gestion.
Dans le registre du financement des réunions (séminaires, colloques
et symposiums), je me limite à signaler la contribution de la francophonie, à titre
de partenaire, à l’organisation et à la tenue du congrès
mondial des professeurs de français les 19- 23 Juillet 2000 » à Atlanta
aux Etats-Unis d’Amérique, ainsi que le symposium tenu à Paris
du 5 au 7 Juillet 2004 et consacré à la très importante
question de l’accès aux financements internationaux.
La question qui se pose dès lors est celle de savoir si le programme
d’action ainsi mis en œuvre, en exécution des décisions
du Sommet francophone et à la diligence de l’ACCT et de l’Agence
intergouvernementale permet effectivement de lutter contre la marginalisation
des plus démunis ? Peut-il permettre d’évoluer dans la
direction sinon de la mise à niveau (c’est moi qui parle ici de
mise à niveau) du moins de cette volonté affirmée dans
la déclaration de solidarité francophone et décidée
de se traduire en « engagements et en réalisations concrètes
pour notre bénéfice mutuel » ? Ainsi qu’on peut l’avoir perçu aisément,
l’Agence Intergouvernementale de la Francophonie distribue beaucoup
d’argent, sur la base des budgets confectionnés tout comme
sur la base des contributions extrabudgétaires de certains Etats
membres pour le financement de certains projets précis. L’Agence
distribue beaucoup d’argent, c’est vrai, mais c’est
de l’argent dispersé dans beaucoup de projets, dans plusieurs
Etats en même temps. Indiscutablement et inévitablement,
ce sont des actions qui font des heureux ; il n’empêche
que ce sont des actions de saupoudrage sur lesquels il serait naïf
de compter si on veut lutter efficacement contre l’aggravation
de la marginalisation des plus démunis et en faveur d’un
développement durable. Il s’agit ici des aides financières
relatives aux programmes de l’Agence soumis à la procédure
d’appel à proposition. Ces programmes s’inscrivent
dans un éventail large qui s’étend des technologies
de l’information au français et langues partenaires en
passant par le cinéma et les médias, le programme sur
la mobilité des jeunes, le programme spécial de développement
(P.s.d.) Il mérite d’être continué. Et il
n’est pas question de le remettre en cause.
APPROFONDIR ET RENFORCER LA SOLIDARITE
IL faut aller plus avant et davantage au fond du problème
si on veut réellement réduire le grand écart qui
sépare le centre et la périphérie de l’espace
francophone. Il faut aller plus loin dans le renforcement et l’approfondissement
de la solidarité francophone. En quoi faisant ?
Dans sa chronique du 3 Mai 2000, Jacques Attali suggérait, dans
l’hebdomadaire l’Express, que pour changer cette situation,
c’est-à-dire pour réduire les écarts et
les inégalités « il faudrait lancer quelques projets
forts…les cinq pays riches de la Francophonie devraient annuler
les créances qu’ils détiennent sur les pays pauvres.
Cela ne représenteraient pour eux qu’un surcoût
dérisoire, de l’ordre d’un dix millième de
leur PIB par an, mais cela représenterait pour les plus pauvres
une aide équivalant à une augmentation annuelle de 10%
de leurs recettes d’exportation pendant 15 ans».
L’annulation de la dette n’est qu’une toute petite contribution à la
solution globale recherchée, encore que la vraie question, au sujet
de la dette, est de savoir si on peut jamais annuler toutes sortes de dette,
et si on peut même sortir du cycle de l’endettement ? Dans son
livre « Crise et croissance en Afrique » tome 1, page 160, l’économiste
camerounais Pierre Mouandjo Biombi écrit précisément ceci
: « A supposer d’ailleurs que la dette soit totalement annulée
dans l’ensemble des Etats africains dépourvus de tissu industriel
et subissant la baisse constante des cours mondiaux des matières premières,
les pays ne pourront que s’endetter à nouveau. Et ce sont les
mêmes créanciers qui fournissent l’argent frais pour appuyer
les efforts de redémarrage des économies en souffrance.»
Il existe des situations et des pays tels le Cameroun
où le produit
de l’allègement de la dette, les fonds PPTE, ne parvient pas à être
utilisé à un bon rythme, pendant que le fait pour le pays en
question de donner l’impression de s’installer en permanence sous
ajustement structurel ne peut qu’éloigner les capitaux privés
en le faisant considérer comme un pays à risque. Car cela est
indiscutable, « la présence du Fonds Monétaire International
signifie dans les marchés financiers qu’il y a la crise dans un
pays» Les opérations la doctrine de « mise à niveau » des
entreprises :
Je n’évoque ce fait que pour me permettre de poursuivre en disant
que la mise en œuvre d’une authentique solidarité francophone,
qui lutte contre la pauvreté et réduit significativement les écarts
de richesse entre la francophonie du Nord et la francophonie du Sud, ne saurait
se limiter à cette forme de solidarité longtemps pratiquée
et qui s’appelle l’aide publique au développement ; elle
devrait passer par l’investissement direct des capitaux privés
dans les économies des pays en voie de développement. Opération
pour laquelle se trouvent sollicitées toutes actions de facilitation
par les gouvernements des Etats du Nord, membres de l’espace francophone
! Or, qu’ils soient sous ajustement structurel ou non, la plupart des
pays francophones du Sud ont observé, en spectateurs résignés,
un puissant mouvement de capitaux privés dirigés vers les pays
de l’ancienne Europe de l’Est pendant qu’ils demeuraient
quant à eux essentiellement tributaires des capitaux publics qui ne
représenteraient d’ailleurs qu’un cinquième de la
masse des capitaux circulant dans le monde.
Le désengagement de nos Etats du secteur de la production, le vaste
mouvement de privatisation des sociétés d’Etat imposé par
la logique du FMI et de la Banque mondiale ne suffiront pas à impulser
l’accès souhaité à ce niveau de création
des richesses que seule l’industrialisation peut promouvoir. Et l’industrialisation
ne le réussit que si des capitaux privés internationaux y sont
investis.
Dans son article déjà mentionné, Jacques Attali quant à lui
proposait comme seconde mesure, après celle de l’annulation de
la dette, la création de ce qu’il appelle « un instrument
financier spécifique, chargé d’aider à rendre rentables
les projets des industries de la culture et permettant de faire naître
journaux, télévisions, maisons d’édition, projets
informatiques de langue française ». Et il ajoutait : « Avec
cela, ils pourraient participer à l’invention d’un mode
de développement plus solidaire, plus culturel, diamétralement
opposé à l’individualisme matérialiste anglo- saxon ».Malgré le
constat clair que son article commence par faire, concernant les inégalités économiques
criardes entre les cinq grandes puissances de la Francophonie et la masse de
tous les autres, Jacques Attali oriente ses propositions de solutions entièrement
dans le sens de la culture et de la langue française, et, curieusement,
contre ce qu’il appelle « l’individualisme et le matérialisme
anglo-saxon ». C’est pourtant dans cette direction du matérialisme qu’il
faut aller si on veut faire jouer la solidarité dans le domaine de l’économie
tout court et pas seulement de l’économie culturelle dont je ne
conteste pas la pertinence. Mais comment peut-on plaider en faveur de la réduction
des inégalités économiques et ne prôner que des
actions pour « l’invention d’un développement plus
solidaire, plus culturel, diamétralement opposé à l’individualisme
matérialiste anglo-saxon » ?
Par contre l’idée de création d’un fonds d’appui
aux petites et moyennes industries (P.m.i. P.m.e.) a déjà été expérimentée
ici et là et en particulier au Cameroun. Tout le monde sait dans quelle
dérive notre Fonds de Garantie aux Petites entreprises (FOGAPE) s’est
laissé aller jusqu’à se voir fermer et liquider !. Au Maroc
pourtant, dans le cadre d’une opération baptisée précisément « Mise à niveau
des PME » on a créé en juillet 2003 un Fonds national de
mise à niveau des entreprises (FOMAN) qui vient en complément
des lignes de crédit et fonds de garantie mis en place par la France
et certains autres bailleurs étrangers. Un an auparavant, en Novembre
2002, le Maroc avait créé l’Agence nationale pour la promotion
de la PME (ANPME). La mission prioritaire de cette agence réside dans
le « pilotage du programme national de mise à niveau des PME,
en matière de conseils et d’assistance technique. Le Fonds national
de mise à niveau participe au financement partiel des prestations de
conseil et d’assistance technique et contribue au cofinancement avec
le secteur bancaire des investissements en biens d’équipement ». Ce qui a retenu mon attention ici c’est l’usage de la terminologie « mise à niveau » dont
j’ai souligné l’emploi dans le cadre de l’Union européenne.
On ne s’étonnera pas d’entendre parler de mise à niveau
des entreprises marocaines quand on apprendra que l’Union européenne
contribue au financement du Fonds national marocain de mise à niveau
des entreprises. C’est qu’il s’agit ici d’une politique
sous-régionale méditerranéenne qui inclut le Maroc, entre
autres. Il est souhaitable, hautement souhaitable, de mon point de vue, que
la logique de mise à niveau s’étende au-delà de
la zone qui la voit fonctionner en ce moment, et pour le bien d’un plus
grand nombre de partenaires dans l’espace francophone. Que dire des délocalisations en faveur de l’Afrique ?
Je reviens à Jacques Attali qui a perçu l’intérêt
pour les pays en développement de voir les firmes multinationales envisager
des opérations de délocalisations industrielles. Il traite de
cette question dans sa chronique du 8 Août 2004, toujours dans l’hebdomadaire
l’Express où il reconnaît que « Demain, avec les nouvelles
technologies et la libération des échanges, le nomadisme des
entreprises américaines et européennes prendra des proportions
considérables. Il ne concernera plus seulement le textile et l’électroménager,
mais toutes les industries, tous les services, y compris les plus sophistiqués
; et toutes les fonctions, y compris les plus complexes….Partir sera
considéré comme un investissement rentable ». Mais il ne
s’incline pas tout à fait devant cette perspective qui lui crée,
ainsi qu’à tous les responsables en France, un réel souci
en matière de risque de suppression d’emplois, donc de chômage.
C’est pourquoi il prône à terme, une harmonisation mondiale
des conditions sociales de la production. « Pour qu’elles ne s’alignent
pas partout sur les plus basses, il faudra que les négociations commerciales à venir
incluent la prise en compte des inégalités des conditions du
travail. ».Et il conclut son article par cette phrase qui sonne comme
un verdict sans état d’âme, bien naturellement: « Il
ne devrait pas être possible pour les pays en développement d’avoir
accès au marché des pays riches, à moins qu’ils
ne s’engagent à mettre en place progressivement un droit social
proche de celui des pays du Nord où ils veulent commercer. C’est à ce
prix, souligne Jacques Attali, que l’on évitera peut-être
de transformer l’Europe et les Etats-Unis en deux jardins d’hiver ».
Je ne suis pas sûr qu’en parlant de pays en développement,
Jacques Attali ait eu la moindre pensée pour ceux d’Afrique, déjà tourmentés
par de nombreux autres handicaps au premier rang desquels l’insécurité pour
les capitaux désirés, la mauvaise gouvernance et la corruption…L’auraient-il
eue que son opinion n’eût été que plus éloignée
encore de tout sens de la solidarité !
Pour conclure
Je voudrais redire simplement que l’approfondissement de la solidarité dans
l’espace francophone s’impose ; en second lieu cet approfondissement
passe par une re-conceptualisation de la problématique qui soit
susceptible de faire jouer leur vrai rôle de locomotive tirant
le convoi, aux cinq grandes entités de l’espace francophone.
Parler de mise à niveau des économies ou des entreprises,
c’est autre chose que de parler de l’aide au développement.
Je sais, on me dira que les écarts de développement sont
si énormes entre les grandes et les petites puissances de l’espace
francophone que les efforts à fournir pour une mise à niveau
atteignent un seuil qui leur impose plus qu’un simple changement
de degré, un changement de nature. J’en conviens aisément
Mais je crois aussi à l’impact des mots et du langage
sur les attitudes et les comportements. C’est toute une valeur
d’idéologie que je pense que nous devons affecter à l’idée
de mise à niveau, idée susceptible d’orienter la
recherche des solutions à notre développement dans des
voies nouvelles et en tout cas différentes de celles de l’aide.
Aux gros problèmes de gros moyens pour une mobilisation des
investissements directs internationaux vers la francophonie du Sud,
en faveur d’un optimum d’industrialisation.
Ce sur quoi beaucoup d’auteurs ont insisté et qui me convainc
aussi est qu’il faut tout faire pour intéresser les capitaux privés
internationaux à l’investissement dans les économies des
pays pauvres. Si l’investissement direct est la clef du développement,
il continue de manquer une ferme volonté politique pour aider à mobiliser
les capitaux et les instruments financiers. Il nous revient, dans les pays
en développement, de résoudre nous-mêmes le problème
de l’attractivité de nos pays pour les investisseurs. Nous ne
pouvons pas nous le cacher. Comment améliorer cette attractivité et
supprimer l’impression de risque économique encouru ? Ce n’est évidemment
pas en nous complaisant dans les prorogations indéfinies des programmes
d’ajustement structurel, pour ne parler que de cet unique paramètre.
Il doit être possible et le moment doit venir pour que la solidarité dans
l’espace francophone se développe en discussions sachant tenir
compte des intérêts légitimes et bien compris des uns et
des autres. Des discussions qui permettent d’avoir affaire à la
mise en œuvre d’une solidarité négociée à la
place de la solidarité offerte d’aujourd’hui. Tous les deux
ans le thème central autour duquel s’organisent les programmes
d’activités de la Francophonie est appelé à changer.
Mais celui actuellement en cours, le thème du Sommet de Ouagadougou, « Francophonie
: Espace solidaire pour un développement durable », parce qu’il
rappelle en permanence les engagements consignés dans la Déclaration
de solidarité francophone, Annexe 24 ( Sommet de Québec 1987),
parce qu’il souligne à grands traits la place de l’idée
de solidarité dans les engagements contractés par tous les participants,
devrait inspirer en permanence les activités et les initiatives de tous,
au sein de l’Espace francophone./. Ebénézer NJOH-MOUELLE
Ancien Député à l’Assemblée Nationale
Site web perso. www.njohmouelle.org
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