EN PARTENARIAT
AVEC LA FONDATION PAUL ANGO ELA Interview de M. NJOH -MOUELLE
Professeur et homme politique, auteur de plusieurs ouvrages, il
revisite pour nous les chantiers de l'université du Cameroun MUTATIONS
: La formation dans les universités camerounaises répond-elle
aux besoins du marché local de l'emploi? NJOH-MOUELLE : Pour répondre à cette question, il faut
davantage regarder du côté des établissements de
conception traditionnelle que sont les facultés, réceptacles
de la proportion la plus grande de la masse des bacheliers issus de l'enseignement
secondaire. Car, du côté des grandes écoles professionnelles
et techniques, il y a eu dès le départ le souci d'assurer
l'adéquation formation / emploi. A ses débuts, l'Ecole
Nationale Supérieure Polytechnique (ENSP) était fière
de voir ses diplômés recrutés par les entreprises
qui, souvent, les avaient favorablement remarqués pendant leurs
stages. Il n'en est plus ainsi depuis quelque temps déjà.
Suivant les statistiques contenues dans le document de " Stratégie
sectorielle de l'enseignement supérieur " diffusé par
le ministère de l'enseignement supérieur en Décembre
2003, sur les 71091 étudiants inscrits dans les établissements
de l'enseignement supérieur, 51570 sont inscrits dans les facultés
de lettres, des Sciences, de droit, de sciences économiques, soit
une proportion de 72,5% qui suivent une formation qui ne leur garantit
aucun emploi ; non seulement parce qu'ils sont trop nombreux à se
retrouver en position de demandeurs d'emploi, mais encore parce que leur
formation, pour la plupart d'entre eux, est loin d'avoir cette pertinence
des qualifications professionnelles ou techniques dont l'économie
aurait besoin. Il n'y a donc que 27,5% des effectifs d'étudiants
inscrits dans des formations professionnelles et techniques que représentent
les grandes écoles, instituts et autres cycles courts conduisant
aux divers brevets de techniciens supérieurs (BTS). Si on jette
un coup d'œil un peu plus fouineur à l'intérieur de
ces 27,5% d'inscrits dans les formations professionnelles et techniques,
on constate que seuls 2,8% de ces effectifs suivent une formation technologique
susceptible d'intéresser les milieux industriels, les autres 24,7%
se trouvant dans des formations professionnelles du secteur tertiaire.
En
clair… Peut-être devra-t-on constater que cette réalité correspond
au faible niveau du développement industriel de notre pays, comparativement à ce
qu'il pourrait être. Si la demande de qualifications dans le secteur
des technologies industrielles se faisait sentir de manière significative,
peut-être que les institutions d'enseignement supérieur
se seraient trouvées dans l'obligation d'y donner suite. Cette
réalité est l'expression du grand déséquilibre
qui continue de faire de nos pays de grandes réserves de consommateurs
des produits fabriqués ailleurs, le secteur des services se trouvant
naturellement être le plus sollicité dans ce contexte dominé par
les activités commerciales et managériales Cela
fait pourtant quelques années qu'on parle de professionnalisation
des enseignements comme réponse au déséquilibre
que vous relevez N'est-elle pas probante ?. Il a été question plusieurs fois d'y introduire un minimum
de professionnalisation, mais sans succès. Le document de " stratégie
sectorielle " le souligne clairement : " L'option, depuis la
reforme de 1993, de professionnalisation des enseignements dans les facultés
ne s'est pas fondamentalement traduite dans les faits ". Les programmes
enseignés ont-ils connu quelque adaptation à ce que pouvaient être
les besoins du milieu économique ? Il y a lieu d'en douter. Leur élaboration
a continué à se donner comme base de départ les
matières traditionnelles et ne s'est toujours pas intéressé à la
définition préalable des qualifications et compétences
professionnelles en tant que telles. Pour qu'il en fût ainsi, il
eût fallu établir de manière suivie et étroite,
un dialogue structurellement organisé avec les milieux économiques
qui sont pourtant organisés en tant que " Syndustricam " et " Gicam ",
par exemple ! Et pourtant, les deux dernières sessions du Conseil
de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique sont
chaque fois revenues sur cette question et ont sorti des recommandations
insistant sur la nécessaire liaison avec les milieux professionnels
! Cà et là , il est possible de trouver dans les conseils
d'administration des universités tout comme dans les conseils
de direction des grandes écoles, un représentant des milieux
professionnels intéressés. Mais il n'en est jamais sorti
une grande secousse en matière de reforme et qui pût être
imputée à cette symbolique représentation. MUTATIONS
: Quels types d'ajustements pourraient garantir une meilleure adéquation
entre formation universitaire et insertion professionnelle ? NJOH
-MOUELLE : La première chose à dire ici ne concerne
pas les formateurs mais la politique de la production économique
d'une manière générale, et de la production industrielle
en particulier. Car, pour qu'il y ait " insertion professionnelle ",
il faut au préalable avoir inversé l'ordre des choses :
au lieu que la formation précède l'expression des besoins,
que la poussée de développement économique et en
particulier industriel, soit parvenue au point de bousculer les formateurs
pour leur demander de former le type de personnels qu'il faut et dont
le profil de qualification devra être défini de commun accord,
entre l'enseignement supérieur et les opérateurs économiques.
Il y a quelques années, l'industrie camerounaise, toutes proportions
gardées, était classée la deuxième en Afrique
francophone et contribuait pour environ 21% au PIB. Je ne pense pas qu'elle
ait perdu ce rang. Cela ne doit pas nous empêcher de reconnaître
que le tissu industriel de notre pays demeure encore bien en dessous
de ce qu'il pourrait être. L'argument selon lequel les pays industrialisés
de l'hémisphère Nord ne voient pas d'un bon œil l'industrialisation
de nos pays qu'ils voudraient voir se maintenir éternellement
dans leur statut de consommateurs, quelque fondé qu'il soit, ne
saurait être interprété comme un encouragement à nous
croiser les bras et à n'avoir plus qu'à obéir à la
fatalité…Mais revenons à votre question concernant
les ajustements qui pourraient garantir une meilleure adéquation
entre la formation universitaire et l'insertion professionnelle. Des écoles d'ingénieurs existent. Il s'agirait d'y introduire,
suivant les besoins nouveaux exprimés par une économie
en expansion, des filières nouvelles et adéquates de formation.
A vrai dire, ce n'est pas au niveau des grandes écoles existantes
que se pose le problème mais bien davantage au niveau de cette
formation dispensée au sein des facultés traditionnelles
et qu'il est question de professionnaliser tout en reformant ses méthodes
pédagogiques qui se cantonnent la plupart du temps dans la dispensation
des " cours magistraux ". Il faut que je rappelle ici quelques
bonnes résolutions qui ont déjà été prises
dans le passé au niveau du Conseil de l'enseignement supérieur
et de la recherche scientifique. Je pense notamment à ses deux
dernières sessions présidées comme il se devait
par le Chef de l'Etat, du 18 au 22 décembre 1974 et du 20 au 23
Octobre 1982. En 1974, le rapport de la commission de pédagogie à laquelle
j'ai appartenu soulignait le fait que " plusieurs membres ont mis
l'accent sur l'impérieuse nécessité de réorganiser
les formations dispensées par les facultés dans une optique
de professionnalisation telle que les étudiants diplômés
soient à même de s'insérer harmonieusement et efficacement
dans le circuit de la production ". Et la résolution prise
par le Conseil, relativement à ce point, recommandait " qu'il
soit procédé le plus rapidement possible à une réorganisation
des études en facultés dans une orientation qui permette
l'exploitation maximale et judicieuse des disciplines aussi bien socio-humanistes
que scientifiques et techniques en vue de les adapter aux besoins réels
de la nation et de les rendre immédiatement utilisables ".Huit
ans après, à la session de 1982, on est allé plus
loin sur ce point. En effet, la commission des affaires académiques à laquelle
j'ai de nouveau appartenu avait " demandé d'entreprendre
des études en vue de mettre en place des écoles pratiques
dans les facultés et d'ouvrir effectivement les maîtrises
professionnelles prévues dans le décret 79/299 du 2 Août
1979 ".Les membres de la commission avaient estimé que les
formations courtes et professionnelles dispensées dans des établissements
de type IUT constituaient une bonne solution au problème des étudiants
surpeuplant les facultés. C'est le lieu de rappeler que l'IAE
: Institut d'administration des entreprises, avant d'être transférée à Douala
où il est devenu l'Ecole supérieure des sciences économiques
et commerciales (ESSEC), avait d'abord fonctionné comme un institut
de faculté, rattaché effectivement à ce qui s'appelait à l'époque
Faculté de Droit et des Sciences économiques (FDSE).
MUTATIONS
: Mais qu'est-ce qui fait problème ? NJOH-MOUELLE : Si j'ai commencé par rappeler ces mesures prises
au niveau de l'instance décisionnelle très haute que représente
le Conseil de l'Enseignement Supérieur et Scientifique, c'est
pour dire qu'en fait, ce ne sont pas les idées qui ont manqué le
plus ; c'est leur mise en application qui se trouve inexplicablement
retardée chaque fois. Les maîtrises professionnelles ont-elles été instaurées
? Oui et non. Elles en ont eu l'appellation ici et là, mais pas
le contenu qu'il fallait ; ne serait-ce en ceci que les stages en entreprises
n'ont pas, à ma connaissance, pu être organisés pour
les étudiants inscrits ; pas plus que la confection des programmes
eux-mêmes n'a impliqué la participation des milieux professionnels.
C'est vers ce genre d'orientation qu'on pourrait diriger les futures
reformes. Mais, encore une fois, il faudrait commencer par amener les
milieux professionnels à donner des indications sur les compétences
pratiques, bref les tâches pour lesquelles ils souhaiteraient voir
former les futurs cadres. On pourrait et devrait se rendre compte que
la liste des matières à enseigner subit une réelle
mutation. Si nous considérons une activité comme celle
de la documentation et de la bibliothéconomie, force serait de
constater que de nombreuses bibliothèques existantes ou devant être
créées ne disposent pas de personnels qualifiés
en effectifs suffisants. De nombreuses structures devraient faire fonctionner
des bibliothèques ou des centres de documentation en leur sein
: mairies, établissements scolaires, entreprises de toutes sortes,
etc. Elles ne le font pas ou alors elles le font mal, de façon
négligée. Et pourtant la complainte est souvent sur toutes
les lèvres : les Camerounais ne lisent pas assez ; les entreprises
elles-mêmes ne mettent que rarement en œuvre une politique
de formation continue de leurs cadres. Les élèves et les étudiants
eux-mêmes ne lisent que dans la ligne de ce qui compte pour la
préparation de leurs examens, et encore ! Une volonté politique
d'encouragement à la lecture et au relèvement du niveau
de culture moyenne du peuple passerait donc par une incitation à créer
des bibliothèques spécialisées et générales,
en vue de provoquer par là un besoin de bibliothécaires
et de documentalistes. Cela suppose un dialogue avec les divers utilisateurs
possibles qui devraient exprimer leurs besoins et prévoir des
postes budgétaires en conséquence. Seulement, ce qui est
couramment observable est que les chefs d'entreprises, y compris les
entreprises éducatives que sont les établissements d'enseignement
privé, préfèrent minorer la masse salariale en recrutant
par exemple des bacheliers là où se serait imposé le
niveau licence ! De nombreux autres exemples peuvent être mentionnés et
qui justifieraient la nécessité de réclamer une
enquête- emploi permettant d'identifier les orientations que pourrait
prendre la professionnalisation dans l'enseignement supérieur
traditionnel. MUTATIONS : Quelles
pourraient être ces orientations ? NJOH-MOUELLE : Je reviens sur l'organisation des études dans
les facultés traditionnelles. L'introduction d'un minimum de professionnalisation
suppose qu'on revoie la conception de cette structure d'enseignement
et de recherche. Il faut reconnaître que l'introduction du système
des modules et des unités de valeurs constitue en soi un premier
pas dans la direction souhaitée. La souplesse qui caractérise
ce système par rapport à la facilité qu'il offre
aux besoins d'interdisciplinarité doit être exploitée
au profit d'une diversification du curriculum studiorum telle que peut
le vouloir une certaine orientation professionnelle. L'exemple qui me
vient à l'esprit est celui de la filière " langues étrangères
appliquées " qu'on peut trouver dans le système français
aujourd'hui : Voici une formation qui, par son appellation, ne manque
pas de faire penser à l'enseignement des langues, à la
traduction, à l'interprétariat, etc. Et on ne pensera pas à la
gestion, à la communication d'entreprise, au commerce international, à la
banque, etc. Or voilà des possibilités qu'offre cette filière
qui place l'étudiant dès la première année
du DEUG, dans un contexte où tous les ans, il doit effectuer un
stage en entreprise, allant de un mois en première année à trois
mois en année de D.E.S.S. A côté des cours de langues,
il peut recevoir une formation aussi bien en économie et en comptabilité,
en gestion et communication d'entreprise, etc. Une maîtrise et
même un diplôme d'études supérieures spécialisées
(DESS) peuvent couronner sa formation et lui permettre d'être utilisable
de façon polyvalente. MUTATIONS
: Quelle appréciation faites-vous du niveau et de la
capacité de production scientifique de l'université au
Cameroun ? NJOH -MOUELLE : L'organisation des " Journées universitaires
des sciences et de la technologie "( JUST) permet de se rendre compte
de l'effectivité de la recherche appliquée dans le seul
secteur de l'agronomie. Les centres d'Ekona, de Njombe, de Nkolbisson
ont l'avantage de présenter au public des résultats dont
la plupart n'attendent que leur exploitation industrielle. La coopération
internationale dans ce secteur se montre assez dynamique et productive.
La même coopération avec les pays amis est en train de s'intensifier
dans le domaine médical et me donne l'occasion de dire qu'il y
a lieu de nous réjouir des tout récents résultats
rendus publics en matière de traitement du sida, grâce au
projet initié à Yaoundé et à la collaboration
de l'IRD de Montpellier. On ne peut pas en dire autant sur ce qui se
passe dans de nombreuses autres disciplines scientifiques. Les toutes
récentes statistiques fournies par le ministère de l'Enseignement
supérieur indiquent que sur un effectif total de 2187 enseignants
pour l'ensemble des six universités d'Etat, on compte 967 assistants
et 888 chargés de cours soit 1855 fonctionnaires dont les travaux
sont ceux de préparation des thèses de doctorat devant
leur permettre des promotions de grade, des avancements dans la carrière.
Ils sont dirigés et encadrés par 319 professeurs et maîtres
de conférences ; ce qui donne une proportion de 17 encadreurs
pour 100 thèses à diriger, soit encore 4 ou 5 encadreurs
pour 25 thèses ! MUTATIONS
: Autrement dit, c'est trop pour que l'encadrement soit de qualité… NJOH-MOUELLE
: On peut voir, à travers ces données statistiques,
que la direction des thèses dans la grande majorité des
cas, ne peut pas être assurée comme il se doit. Car cette
moyenne générale cache des disparités mettant en
relief des situations où, dans certaines spécialités,
un directeur des travaux devrait théoriquement s'occuper de plus
de dix thésards alors que réglementairement il ne devrait
pas en accepter plus de quatre. Il aurait encore fallu trouver les chiffres
concernant le nombre de thèses soutenues chaque année ,
ainsi que la nature des sujets traités. Je ne dispose malheureusement
pas de ces données qui sont pourtant nécessaires quand
on veut se donner une idée approximative de la production scientifique
de nos universités, en particulier Yaoundé I et Yaoundé II.
Mais quelle que soit la réalité à ce sujet, 20 thèses
ou 50 thèses par an ( je ne pense pas qu'il y en ait autant ),
il s'agit de travaux individuels qui sont jugés pour leurs qualités
académiques et scientifiques : bonne méthodologie, rigueur
d'analyse,, bonnes références bibliographiques. Des exigences
dont la satisfaction permet aux jurys de conférer aux auteurs
l'aptitude à diriger à leur tour des travaux de recherche.
C'est encore nettement insuffisant comme niveau et capacité de
production. MUTATIONS : A quoi doit-on cette situation ? NJOH-MOUELLE
: L'une des explications de cet état des choses
réside dans l'absence de travail en équipe dans nos universités.
La plupart des chercheurs préparent des thèses de doctorat.
Il n' y a rien de surprenant à les voir travailler seuls, dirigés,
si possible, par un maître. Du côté des enseignants
de rang magistral eux-mêmes, force est de constater qu'ils ne sont
pas organisés de façon à animer des équipes
de recherche autour des projets précis donnant lieu à des
publications partielles avant d'éventuelles présentations
en soutenance d'un ensemble de travaux. Les Annales des facultés
ont une périodicité de parution absolument incertaine,
c'est le moins qu'on puisse dire ! S'agissant toujours des enseignants
de rang magistral, la plupart d'entre eux se comportent d'ailleurs comme
s'ils n'avaient plus à continuer à faire de la recherche
personnelle à partir du jour où ils ont satisfait eux-mêmes
aux conditions d'accès au grade de maître de conférences
ou de professeur ! MUTATIONS
: Comment dynamiser cette production de l'université ? NJOH-MOUELLE
: Pour dynamiser la production scientifique de nos universités,
il faudrait commencer par faire suivre chaque nomination au grade de
maître de conférences des mesures budgétaires qui
devraient en découler logiquement. Le maître de conférence
et le professeur devraient se voir affecter une dotation financière
dans le budget des établissements auxquels ils sont rattachés.
Car ils se doivent d'animer une équipe de recherche composé d'un
certain nombre de chercheurs qui ne sont autres que les assistants et
chargés de cours désireux de s'orienter dans une spécialisation
dans laquelle il va jouer le rôle de maître et de directeur
de recherches , lui-même étant supposé justifier
d'une compétence avérée dans le domaine et poursuivant
ses propres travaux.. Hélas, la plupart ne recherchent ces grades
que pour ce qu'ils leur permettent d'obtenir en termes d'amélioration
de leurs salaires de fonctionnaires…Un minimum de restauration
de l'autorité académique et scientifique ainsi que de la
discipline s'impose ici. Telles que les choses se passent aujourd'hui,
les assistants dispensent des cours magistraux comme les professeurs,
les chargés de cours font de même ; les professeurs, en
ce qui concerne les thèses, ne sont sollicités que pour
signer des documents administratifs au moment du dépôt des
sujets de leurs thèses par les étudiants. Après
ces formalités, chaque " thésard " travaille
de son côté et ne songe à rencontrer son directeur
des travaux que pour lui soumettre un travail tout "" ficelé ",
et cela parce qu'il n'existe que très peu de séminaires
de recherche qui se tiennent chaque semaine dans les diverses unités
d'enseignement et de recherche . C'est la situation la plus répandue
! Bien évidemment elle présente quelques exceptions çà et
là. MUTATIONS : Il faut
financer ces séminaires… NJOH-MOUELLE
: Les enseignants se sont souvent plaints de voir certaines études
confiées à des officines étrangères voire à de
petits copains par les responsables des départements ministériels.
Il serait extrêmement stimulant de faire quelque chose pour mettre
fin à cet état de choses. Cela motiverait les chercheurs
universitaires qui se verraient rétribués pour des travaux
exécutés. Le mal de la corruption pourrait peut-être
se voir combattu par là !On pourrait ainsi aider l'orientation
vers une exigence de résultats conditionnant l'attribution des
dotations financières. Plusieurs départements ministériels
inscrivent dans des lignes budgétaires intitulées " Division
des études ", " Enquêtes à caractère
social ", " cellules des études et de normalisation… " etc.
des sommes allant de six à soixante huit millions. De tels travaux
devraient pouvoir être attribués aux chercheurs des universités
ou des centres et instituts de recherche. MUTATIONS:
L'harmonisation des équivalences des diplômes
obtenus à l'étranger par les enseignants s'effectue-t-elle
de façon égalitaire ? NJOH
- MOUELLE : Je ne saurais le dire, n'étant pas au courant
des plaintes éventuelles à ce sujet. Mais il faut que cette
harmonisation se fasse de manière juste et objective. Il existe
des instruments utiles pour ce faire. L'Unesco publie régulièrement
un gros document établissant des parallèles entre divers
systèmes de formation dans le monde. Et puis il y a une nette
orientation vers l'harmonisation des cycles d'études supérieures
dans le monde aujourd'hui. L'adoption d'un doctorat unique en France
venu remplacer le régime des deux voire même de trois doctorats
auxquels certains d'entre nous avons été soumis ( doctorat
de 3è cycle, petite thèse de doctorat d'Etat , grande thèse
de doctorat d'Etat) témoigne d'un souci d'harmonisation avec ce
qui se passe en Allemagne, en Grande Bretagne, aux Etats-Unis, pour ne
citer que ces Etats moteurs de la mondialisation, entre autres. MUTATIONS:
Université du mérite ou université de
l'égalité des chances : au Cameroun, doit-on envisager
une sélection à l'entrée de l'université ? NJOH
- MOUELLE: Il y a beaucoup de bacheliers de faible et même
de très faible niveau et qui, de ce fait, auraient besoin d'un
supplément de préparation aux études supérieures
dans le cadre d'une année de propédeutique devant précéder
l'inscription en première année de licence. Le système
français a déjà eu recours à cette formule
dans le passé. A l'issue de l'année de propédeutique,
un examen portant sur les matières principales de chaque orientation
permettrait de retenir ceux des étudiants méritant de poursuivre
leur formation universitaire tandis que se verraient orientés
vers des formations professionnelles ceux qui n'auraient pas été jugés
aptes à continuer leur formation dans les facultés. J'ai
déjà eu à exprimer publiquement cette opinion au
cours de la rencontre organisée le 17 décembre 2003 par
le ministre de l'enseignement supérieur. Je ne suis du reste pas
seul à la partager. Déjà, en décembre 1974,
le rapport de la commission n°1 :Orientation et développement,
du Conseil de l'Enseignement supérieur et de la recherche scientifique,
en son quatrième point, soulignait la " nécessité d'un
contrôle de l'orientation et d'une sélection des étudiants à la
rentrée de l'université, le baccalauréat ne devant
plus constituer le moyen automatique pour accéder à l'université ". MUTATIONS
: Que répondez-vous à ceux qui y verraient un
certain ostracisme ? NJOH-MOUELLE: La proposition que je fais, d'instituer une année
entière post-baccalauréat, consacrée aux études
supérieures est une manière indiscutable d'offrir les mêmes
chances à tous les postulants. C'est tout à fait différent
d'une solution qui consisterait à soumettre les bacheliers à un
autre second baccalauréat, en quelque sorte, sous la forme d'un
test à leur faire subir avant de prendre leur inscription en première
année de faculté. Quant au mérite, il faut le justifier à l'entrée,
tout comme à la sortie d'ailleurs. Mais il faut que, tout le monde étant
prévenu d'avance, l'année de propédeutique ne comportant
que trois matières, selon le choix libre de chaque postulant,
soit accomplie avec le maximum de sérieux. Une année propédeutique
qui ressemblerait par son style de travail, aux années passées
dans les classes préparatoires, en raison d'un bon suivi des étudiants
par la multiplication des exercices et travaux dirigés. Je suis
persuadé qu'une grande amélioration du niveau des étudiants
résulterait de cette expérience. Pour qu'il en soit ainsi,
il faudrait que l'encadrement de ces prétendants aux études
supérieures soit confié à des enseignants parmi
les plus expérimentés et les plus compétents. Propos recueillis par Stéphane Akoa et Jean
Lucien
Ewangue ( Avec la collaboration de FPAE)
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