QUELQUES REFLEXIONS
SUR LE MANDAT REPRESENTATIF AUJOURD'HUI AU CAMEROUN
Dans un contexte de sous-développement, de relative pauvreté et
de démocratie balbutiante, la représentation du peuple
apparaît d'abord aux yeux de la grande majorité des gens
comme un emploi, un gagne-pain, un poste comme les autres. En 1992, dans
ma circonscription électorale et même dans les cercles des élites
politiques et administratives du pays, l'interrogation embarrassée
des uns et des autres était la suivante :Que cherche-t-il encore,
alors qu'il est secrétaire général du parti au pouvoir
et conseiller du président de la république ?Bref, on ne
voyait qu'un poste et un gagne-pain que je pouvais laisser à un " sans
poste ", un " sans emploi ". Si la frange des gens informées
et instruites concevait les choses de cette façon, il ne pouvait
pas en être autrement de la grande majorité des citoyens.
Les candidats à la députation sortent du peuple et sont
par conséquent porteurs des mêmes visions et des mêmes
représentations des choses. C'est pourquoi je crois devoir commencer
les présentes réflexions en m'arrêtant un instant
sur les motivations des candidats qui se présentent aux élections
législatives.
I- LES MOTIVATIONS DES CANDIDATS A LA DEPUTATION
Elles sont multiples et diverses. Mais, malgré leur
multiplicité elles
se ramènent à deux grandes catégories : les motivations
personnelles et égocentriques d'un côté et, de l'autre,
les motivations altruistes et inspirées par l'intérêt
général. Etre député c'est pouvoir disposer
mensuellement d'une rémunération qui s'appelle " indemnités
parlementaires " ; c'est pouvoir arborer des insignes de pouvoir
que sont le macaron et l'écharpe tricolores qui confèrent
un certain prestige et une auréole d'importance ; c'est avoir
sa place réservée dans les tribunes, aux occasions des
cérémonies officielles. Nous lisons aussi dans les journaux
des articles qui prétendent que certains candidats ne cherchent à arborer
l'écharpe de député que pour jouir de l'immunité parlementaire
et éventuellement se faire établir un passeport diplomatique
qui facilite l'obtention des visas pour les voyages à l'étranger.
Il y a indiscutablement une orientation égocentrique et individualiste
dans ces motivations que je viens d'évoquer. Ce qui est mis au
premier plan ici, c'est l'intérêt personnel. Il va sans
dire que l'accomplissement de la mission de député peut être
plus ou moins largement influencé par cette motivation initiale.
A l'opposé, il peut se rencontrer des candidats dont l'engagement
politique obéit au principe initial qu'on doit trouver au fondement
de toute démarche d'homme politique. Car en revenant à l'étymologie
grecque du mot politique nous trouvons polis et politikos qui signifient
cité, ville pour polis et , s'agissant de politikos : qui concerne
les citoyens, la vie collective de la cité. Il s'agirait donc
de candidats qui savent que l'homme politique est avant tout celui qui
se met au service de ses concitoyens, c'est-à-dire au service
de l'ensemble de sa communauté. Ceux-là ne vont pas à la
politique pour s'enrichir et résoudre d'abord les problèmes
personnels. Ils savent que les satisfactions personnelles et autres avantages
leur sont donnés par surcroît et ils ne les dédaignent
pas. Qu'il s'agisse de retombées financières et matérielles,
protocolaires et honorifiques, elles passent après la considération
selon laquelle le service des autres confère à la mission
de député un supplément de noblesse attaché à toute
fonction politique à l'origine.
II LES ATTENTES DE L'ELECTORAT
Il faut distinguer entre ce que je peux appeler les attentes permanentes
et les attentes liées aux promesses des candidats pendant les
campagnes électorales.
a) Les attentes permanentes :
Dans toute circonscription électorale de pays pauvre, la masse
des électeurs a
tendance à transférer sur les députés les
attentes placées en tout temps sur le gouvernement. Car, en effet,
le gouvernement et ses ministres sont loin, situés qu'ils sont
dans la capitale. Ce sentiment est encore accentué dans nos contextes
africains, quand la localité ne trouve aucun de ses fils dans
l'équipe gouvernementale. La localité peut même recevoir
de temps en temps la visite d'un membre du gouvernement ; mais si celui-ci
n'est pas un des leurs, il est plus que jamais le représentant
d'un organe anonyme et lointain qui distribue de temps en temps et parcimonieusement
quelques bienfaits à qui il veut.
Par contre, le député est l'enfant du pays, le fils du
terroir. On le connaît ; on connaît ses parents. Il est supposé mieux
connaître la " souffrance " des siens. Il est supposé vivre
en communion avec les siens.( Tout ceci, en attendant qu'arrive le jour
où on verra des candidats chercher à se faire élire
dans des circonscriptions dont ils ne sont pas les natifs, le " parachutage " quoi
!).C'est pourquoi, comme vous le savez, pendant les campagnes électorales
de chez nous, les candidats ont souvent eu à introduire leurs
discours par l'usage de la formule : " Vous me connaissez tous ici,
je suis l'un des vôtres, etc. ". On s'en sert parce qu'on
sait que c'est un argument qui porte. Outre cette proximité d'origine
et d'appartenance à la même communauté tribale, linguistique
et culturelle d'une manière plus générale, il y
a le fait qu'après son élection, le député est
fréquent dans sa circonscription. Très souvent aussi il
y habite. Il doit même justifier, par simple déclaration
il est vrai, au moment de sa candidature, qu'il y possède une
résidence ,secondaire ou principale. Bref, le député est
au milieu des siens.
Comment s'étonner que ses électeurs attendent tout de
lui ? Ils attendent globalement l'élimination de la pauvreté ;
plus positivement, la création des richesses. Ils attendent en
particulier des voies de communications terrestres viables en toutes
saisons ; ils attendent des hôpitaux, des adductions d'eau, l'électrification
de leurs villages. Ils attendent des écoles et, dans ces écoles,
des enseignants ( qui ne sont pas forcément en place malgré les
actes de nominations et les affectations), ; ils attendent tout du député.
Et encore ! Là, je n'ai mentionné que les besoins qui concernent
l'ensemble de la communauté. Mais à côté de
ces besoins collectifs il y a les doléances individuelles que
le député enregistre au cours des nombreuses audiences
qu'il accorde en particulier à ceux qui demandent à le
voir et qu'il doit s'obliger à recevoir.
Mais le système centralisé qui a souvent poussé à tout
attendre du gouvernement et du député qui siège à l'Assemblée
nationale, n'a-t-il pas fait oublier aux uns et aux autres de bien regarder
autour de soi, dans l'environnement immédiat qui recèle
des ressources particulières de la localité ne demandant
qu'à être exploitées ne serait-ce qu'à la
petite échelle locale et régionale ? A l'heure où la
décentralisation va commencer à entrer dans les faits,
il est plus que jamais urgent d'accorder l'attention qu'elles méritent
aux richesses potentielles de chaque environnement et de chaque localité.
La Société nationale des eaux doit certes penser à ravitailler
aussi les zones rurales ; mais il est aussi possible parfois d'aider à faire
capter l'eau potable d'une source naturelle qui se perd dans la nature
tous les jours, par manque d'initiatives de la part des divers responsables,
y compris les maires et les députés. Pendant les saisons
sèches, des bancs de sables tapissent les lits de certains fleuves.
L'exploitation facile et routinière qui est faite de ce sable
demeure attaché aux travaux de construction des bâtiments
; il doit pourtant être possible d'envisager aussi le montage de
micro projets de verrerie ! De même, en ce qui concerne le palmier à huile,
la Socapalm n'a pas empêché l'existence de palmeraies individuelles.
Comment ne pas encourager le montage sur place de micro huileries et
de micro savonneries ? En tout état de cause, le moment pointe à l'horizon
où le monde rural devra connaître la promotion de petites
unités de transformation villageoises : micro huileries, micro
rizeries, micro amidonneries, micro maïseries, micro menuiseries,
etc. Le député est supposé représenter une
sorte de conscience de tout son électorat pour se charger de l'expression
de toutes ces aspirations et des actions de sensibilisation à mener
en vue de l'exploitation de toutes ces potentialités pour le bien-être
de ses concitoyens.
Voilà, en ce qui concerne les attentes permanentes que plusieurs
mandats de députés successifs ne sauraient satisfaire définitivement
un jour.
b) Les attentes liées aux promesses électorales
Le candidat aux élections législatives ne peut pas s'empêcher
de faire des
promesses aux populations. Cela fait partie de son programme d'action,
en cas de succès. Les attentes populaires seront d'autant plus
fortes ici qu'il s'agit des engagements pris librement par le futur député.
Généralement, on cite les besoins les plus sensibles, convaincu
de déclencher des applaudissements bien nourris des populations.
C'est ici que se glisse bien souvent une bonne part de démagogie.
Les candidats sont souvent conscients des difficultés auxquelles
ils auraient à se heurter en cherchant à faire réaliser
certaines de leurs promesses ; ils s'y engagent néanmoins, téméraires
et pas tout à fait oublieux de l'obligation de la présentation
du bilan lors de la campagne suivante ! Mais, souvent, c'est le présent
qui compte. On s'engage ; on se fait élire et alors commence le
rapide défilé des jours et des mois qui conduisent à la
prochaine campagne.
Mon expérience personnelle m'a permis de me rendre compte que
les populations sont davantage sensibles aux accents de sincérité qui
peuvent émaner des discours des candidats. Ils ne s'attendent
pas à ce qu'on leur promette monts et merveilles. Ils sont suffisamment
rassurés d'entendre leur fils, frère et néanmoins
concitoyen tenir leur propre langage en matière de connaissance
des besoins qui leur tiennent à cœur. Pour le reste, ils
comptent sur lui pour être le fidèle interprète de
ces besoins, là où il va les représenter. Il leur
suffit d'être convaincus de ce que leur élu sera le défenseur
militant de leurs intérêts loin là-bas, dans la capitale,
au sein de l'Assemblée Nationale et auprès du gouvernement.
III-COMMENT SATISFAIRE CES ATTENTES ?
Le député ne reçoit pas une dotation budgétaire à gérer,
pour qu'il se mette en devoir de réaliser personnellement et directement
tels ou tels travaux ou projets, au bénéfice de sa circonscription.
Un regrettable malentendu s'est produit à cet égard depuis
l'institution de la dotation baptisée " micro projets " et
le fait pour les députés de la législature 1997-2002
( qui fut la mienne) d'inviter la télévision à l'occasion
de certains de leurs accomplissements : remise des dons divers : tables
bancs dans les écoles, médicaments dans les centres de
santé et les dispensaires, aménagements des sources d'eau
potable. Certains députés avaient même fait état
de la réalisation, par leurs soins, de petits ponts sur des cours
d'eau. En toute honnêteté, la dotation des " micro
projets " ne permet de construire ni des ponts, ni des écoles.
Le député ne peut agir que dans le cadre du suivi de la
préparation du budget de l'Etat dans lequel il doit pouvoir obtenir
l'inscription, bon an mal an, d'une, de deux ou de trois projets en faveur
de sa circonscription. Après avoir réussi à inscrire
des projets, il lui incomberait encore le devoir de suivre leur mise
en œuvre dans le cadre de l'exercice budgétaire concerné.
En dehors de l'inscription et du suivi de la réalisation des projets
budgétisés, le député qui est supposé connaître
les réalités et possibilités économiques,
sociales et culturelles de sa circonscription montrera son sens du service
en veillant en permanence à garantir la satisfaction de ses concitoyens,
peut-être exposés à des frustrations répétées
de toutes sortes ! C'est ainsi que pendant longtemps les populations
des zones forestières, objet d'exploitation par des entreprises
ayant leur siège en dehors des dites zones, se sont régulièrement
plaint de ce qui leur semblait à juste titre n'être qu'un
pillage à ciel ouvert de leurs richesses sans qu'elles en tirent
elles-mêmes la moindre retombée. Il est heureux que la loi
actuellement en vigueur dans notre pays ait mis fin à cette situation.
Il n'empêche que l'élu du peuple doit continuer à veiller à sa
stricte application. Il dispose à cet effet de l'espace qui lui
est fait dans le cadre des séances de questions orales au gouvernement.
IV- LES RAPPORTS AVEC LE GOUVERNEMENT
En dehors des questions orales au gouvernement lors des séances
prévues à cet effet, le député conserve la
possibilité de rencontrer les membres du gouvernement dans leurs
bureaux pour des entretiens et des contacts peut-être plus efficaces
? Je dis peut-être plus efficaces à dessein. Car l'expérience
a révélé ces derniers temps quelque chose qui a
pris l'allure d'une compétition entre le membre du gouvernement
et le député. A partir du moment où, ici au Cameroun,
la grande majorité des membres du gouvernement ne sont pas choisis
parmi les élus, il s'est produit une sorte de confrontation de
deux légitimités : celle directement populaire du député et
celle indirecte et dérivée des membres du gouvernement
nommés par le chef de l'exécutif, Président de la
République, élu de l'ensemble de la nation. Une situation
qui n'a pas été observée au temps du " Parti
Unique ".
Certains membres du gouvernement ont parfois rendu la tâche plus
difficile aux députés qui les sollicitaient pour faciliter
l'exécution des projets concernant leurs localités. Pour
ces membres du gouvernement il s'agissait de ne pas laisser les populations
penser que c'était le député qui était à l'origine
de telle ou telle réalisation. Le membre du gouvernement qui n'avait
pourtant pas de compte à rendre directement aux populations dont
il n'était pas l'élu, se comportait comme s'il était
aussi un élu qui tenait à capitaliser pour son propre compte
les réalisations effectuées. C'est ainsi que beaucoup de
députés se voyaient fermer les portes des rendez-vous sollicités,
parfois, de façon déplaisante. Il s'agit des membres du
gouvernement qui se sont mis à se comporter comme des " ministres
pour leurs villages " oubliant qu'ils étaient des ministres
de la République. On pouvait s'attendre à les voir se porter
candidats aux élections législatives suivantes. On n'en
a pas beaucoup vu se diriger dans cette voie jugée périlleuse
par certains d'entre eux, en privé.
Il faut dire à présent qu'il existe encore un autre motif
de compétition entre certains membres du gouvernement et les députés
: la compétition devant les marchés publics à attribuer
. Certains députés sont des entrepreneurs et des patrons
de sociétés qui se battent pour obtenir que des marchés
soient attribués à leurs protégés ou à leurs
sociétés ; les membres du gouvernement de leur côté,
sans être entrepreneurs, veulent privilégier leurs prête-noms
comme il faut s'y attendre. De là naît une guerre feutrée,
perdue d'avance d'ailleurs par le député, surtout si le
ministre et le député sont originaires de la même
localité.
Les situations que je viens d'évoquer relèvent de ce qu'il
faut considérer comme des spécificités et des particularités
camerounaises des temps présents. Il est possible qu'on les retrouve
dans d'autres pays africains. Par contre, là où les membres
du gouvernement se retrouvent être en grande partie des élus
du peuple, il ne devrait pas exister la situation et les conflits que
je présente ici. Il me semble que notre démocratie est
appelée à évoluer vers cette direction.
V- L'IDEAL D'UN DEPUTE PAR CIRCONSCRIPTION
Il y a une autre évolution à espérer et à forger
dans la conception du découpage des circonscriptions électorales.
Je pense en effet que pour renforcer le sens des responsabilités
du député, il va falloir, tôt ou tard, évoluer
vers un découpage des circonscriptions électorales tel
qu'il y ait un siège, donc un député par circonscription.
A l'heure actuelle au Cameroun, il n'existe qu'un tout petit nombre de
circonscriptions électorales à un siège, à côté de
nombreuses autres circonscriptions à plusieurs sièges entraînant
une présentation de candidatures sur la base d'un scrutin de liste.
Le scrutin de liste présente l'inconvénient de noyer les
responsabilités. Il n'apparaît nulle part que chaque candidat
est affecté à un arrondissement en particulier. Les neuf
députés du département du Wouri par exemple, ne
peuvent être affectés de façon adéquate aux
six arrondissements administratifs. Chaque parti politique présente
ses candidats de façon globale sur une liste de neuf noms. Dans
ce genre de situations par conséquent, les élus peuvent
se sentir individuellement peu soumis aux pressions et aux sollicitations
des populations. Tout commence ici par des promesses générales,
globales et vagues au moment de la campagne électorale, pour se
poursuivre pendant l'exercice du mandat, par l'absence de compte rendus
d'activités parlementaires et la tendance à l'éloignement
de leur base par les élus.
VI- MANDAT REPRESENTATIF ET MANDAT IMPERATIF
C'est ici qu'on pourrait me rappeler le titre de mon livre " Député de
la nation "par lequel je faisais référence aux dispositions
de l'article 15 de la Constitution qui stipule en son paragraphe 2 que " chaque
député représente l'ensemble de la nation " et
que, §3, " tout mandat impératif est nul ". On
peut me le rappeler pour s'étonner de ce que l'essentiel de mon
exposé porte sur les rapports du député avec la
circonscription qui l'a élu. C'est exact ! Et cela me fournit
l'occasion de dire un mot sur les notions de mandat représentatif
et de mandat impératif. Sous l'Ancien régime en Europe
et notamment en France, c'est-à-dire avant la Révolution
de 1789, les représentants demeuraient soumis aux instructions
précises et ponctuelles de ceux dont ils tenaient leurs mandats.
Ils n'étaient que des porte- paroles susceptibles d'être
révoqués à tout moment, quand ils ne s'étaient
pas correctement acquitté des instructions qu'ils avaient reçues
de leurs mandants. C'était cela le mandat impératif. Il était
de nature purement personnelle puisque les représentants étaient
individuellement comptables des engagements particuliers qu'ils prenaient.
C'est pourquoi J.J. Rousseau n'acceptait pas ce mécanisme politique
qui lui semblait peu compatible avec la nature de la souveraineté populaire.
Le système institutionnel contemporain a adopté la vision
de Rousseau sur ce point. Lorsque diverses constitutions et notamment
celle du Cameroun stipulent clairement que " tout mandat impératif
est nul ", elles entendent souligner l'idée selon laquelle
le fait d'être l'élu d'une circonscription ne fait pas du
député " l'obligé " de ses électeurs.
Il est plus exactement titulaire d'un mandat de représentation
de la nation entière, c'est-à-dire du peuple dans son intégralité.
C'est cela le mandat représentatif, opposé au mandat impératif.
Cette conception globale de la représentation nationale sauvegarde
le caractère indivisible de la souveraineté, une idée
chère à Rousseau.
Voilà pour les principes. Le fonctionnement pratique de la représentation
c'est autre chose. Le mode de désignation des représentants
est l'élection et non la nomination discrétionnaire par
la volonté d'une autorité devant laquelle seule on aurait à répondre
; il ne relève pas non plus d'un tirage au sort . L'élection
se fait sur la base d'un programme et introduit un autre type de rapport
entre le député et ses électeurs. Les représentants
se lient les mains eux-mêmes à travers les programmes et
les promesses électorales. Des programmes et promesses qui prennent
en compte les doléances des populations. Des doléances
et non des " instructions " qui elles relèvent du mandat
impératif. Ne serait-ce que pour rendre compte du sort fait aux
promesses et aux doléances, le député lié par
le mandat représentatif s'astreint à retourner auprès
des populations lors des campagnes d'information et d'explications qui,
au Cameroun, s'appellent des compte rendus d'activités parlementaires.
VII- LES COMPTE - RENDUS D'ACTIVITES PARLEMENTAIRES
En dehors de l'hémicycle, le député est , soit
en train de suivre auprès du gouvernement, des dossiers et des
projets d'intérêt général de sa circonscription
ou des dossiers concernant certains de ses électeurs en particulier,
soit en train de tenir des réunions d'informations dans sa circonscription
; des réunions que nous avons l'habitude d'appeler réunions
de comptes-rendus d'activités parlementaires. Ce sont des occasions
d'échanges avec les populations.
Dans le contexte de nos pays où le niveau de formation des populations
ne leur permet pas de suivre des explications techniques concernant les
dispositifs de certaines lois votées, le député doit
apprendre à se transformer en pédagogue et en bon communicateur
pour formuler en des termes simples et assimilables par tous ses auditeurs,
des contenus de ces lois, voire même certaines informations générales
relatives à la santé économique de l'ensemble du
pays.
Ce sont des occasions où il est attendu du député qu'il
se montre concret et pragmatique en s'attardant sur les informations
relatives aux doléances importantes des populations. Le chef hiérarchique
du député est le peuple qui l'a élu et le re -élira
s'il est satisfait de son action ou ne le re-élira pas dans le
cas contraire. Mais l'aune à laquelle se mesure et se juge la
satisfaction des électeurs n'est pas toujours celle qu'on croit.
Dans un contexte caractérisé par la pauvreté, des
habitudes se sont installées qui consistent à offrir des
victuailles à toutes les occasions de rencontres. Quand les populations
ont mangé et bu par les soins de leur représentant, elles
sont contentes sur le moment ; ce n'est pas une raison pour que l'élu
s'en tienne à ces sortes de " réalisations " marquées
du sceau de la précarité et de l'éphémère.
Faire manger et boire ne remplace pas la contribution à la mise
en œuvre des projets d'intérêt commun. Les populations
peuvent laisser l'impression de se satisfaire des occasions de faire
bombance que leur offrent leurs élus sans perdre de vue leurs
vrais intérêts dont la satisfaction doit revêtir un
caractère durable.
C'est ici que se manifestera la différence entre les députés
dont la motivation est strictement personnelle et ceux dont la motivation
est le service des autres et la satisfaction des intérêts
de l'ensemble de la communauté. Si, à certains moments
le député peut avoir le sentiment que son électorat
tend à le prendre en otage, de leur côté, les populations
peuvent aussi ressentir quelque chose qui ressemble à de la corruption
de la part des élus qui, en les abreuvant de festivités
tout le temps, songeraient à leur faire oublier leurs principales
doléances.
La sanction de non re-élection qui peut frapper les élus
d'hier vient parfois de tout à fait autre chose qui relève
aussi de ce même contexte de pauvreté. Le député sortant
qui aura fait l'étalage d'une relative générosité en
distribuant des bienfaits individuels aux uns et aux autres et en offrant
des occasions de faire bombance tout le temps, peut être battu
suite à une campagne des concurrents ayant mis l'accent sur la
nécessité de donner les suffrages à quelqu'un d'autre " pour
que ce ne soit pas toujours les mêmes qui mangent ". De la
législative 1997-2002 à l'actuelle au Cameroun, le taux
de renouvellement s'est situé autour de 80%, dans l'ensemble tout
comme au niveau de chaque formation représentée à l'Assemblée
nationale. Il me semble qu'un problème de fond se pose ici : les
représentants risquent d'accorder peu d'importance à la
sanction que semble représenter la non réélection éventuelle.
Pendant leur mandat qu'ils savent d'emblée difficile à renouveler
parce que la doctrine diffuse et ambiante voudrait qu'on cède
rapidement la place à d'autres qui s'impatientent de " manger " à leur
tour, les députés risquent de briller par un manque compréhensible
de passion pour le vrai travail du représentant du peuple et pour
la défense de l'intérêt général. Et
ce serait le triomphe du type de motivation égoïste au détriment
de la motivation évoquée au début de cet exposé.
CONCLUSION
Que dire en conclusion ? Etre député aujourd'hui dans
le contexte socio- économique d'un pays tel le Cameroun se fait
encore plus ou moins dans la confusion des missions et des rôles.
C'est ainsi que pour beaucoup , être député c'est
d'abord et avant tout avoir conquis " un poste " qui permet
de résoudre le problèmes financiers et matériels
personnels. C'est un gagne pain comme tous les autres. Cependant, une
certaine fierté que procure le sentiment de détenir une
légitimité populaire directe semble avoir suscité des émules
parmi les hauts responsables de la République que sont les membres
du gouvernement dont certains se sentent poussés à " jouer à être
député " en allant le disputer sur le terrain aux
vrais élus. Il faut espérer que ce soit le présage
des jours où les membres du gouvernement se verront invités à solliciter
des suffrages populaires. Ce sont les populations et tout le pays qui
auraient tout à gagner à voir s'associer et converger les
actions du gouvernement et celles des détenteurs du mandat représentatif
pour le plus grand bien de tous./.
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