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Colloque Politique

Colloque Politique

COLLEGE DE FRANCE(Chaire « Savoirs contre pauvreté »)

  Thème général : Politique étrangère et diplomatie de la santé mondiale
Théme de la Première journée : Mondialisation, diplomatie et santé mondiale

COMMUNICATION DE E. NJOH MOUELLE :
             Gouvernance mondiale ou gouvernance globale : la différence

Brève Introduction
        Il semble bien y avoir eu une mondialisation de fait, empirique et apparemment mécanique, d’une part et, d’autre part, une mondialisation dirigée et volontairement construite, sachant dans quelle direction elle entend faire évoluer la marche du monde. L’idée centrale qui guide la présente réflexion consiste à dire que la mondialisation volontairement construite n’a pas encore suffisamment procédé aux rectifications éthiques que la mondialisation empirique impose. Et par gouvernance mondiale ici, nous considérons exclusivement le système des Nations Unies qui est la première expression de la prise en compte de la nécessité d’organiser une gouvernance qui soit régie par un  principe autre que celui de la soumission au seul  rapport des forces et à la loi du plus fort. L’idée d’une gouvernance globale différente de la gouvernance mondiale, telle que nous allons la défendre ici, donne de la ‘’globalité’’ une compréhension qui n’en fait pas le synonyme de mondialité. A l’expansion et à la dispersion continuelle des mécanismes de la mondialisation, (qui peut s’illustrer à travers la multiplication des ‘’journées mondiales’’),  elle oppose le regroupement, la concentration et le souci de cohérence.
La première forme de la mondialisation ou la mondialisation de fait
La première forme de la mondialisation ressemble beaucoup à la vision qu’exprimait Paul Valéry dans son ouvrage de 1931 intitulé « Regards sur le monde actuel ». Un monde que Paul Valéry a appelé avec précision ‘’la Terre habitable’’. Une terre habitable qui aura été « (de nos jours) reconnue, relevée, partagée entre des nations ». Selon Paul Valéry toujours en 1931, « l’ère des terrains vagues, des territoires libres, des lieux qui ne sont à personne, tout comme l’ère de la libre expansion étaient closes » Autrement dit, le monde (la Terre habitable), était parfaitement identifié, circonscrit et réparti.
Comme on peut s’en rendre compte, l’expansion dont Paul Valéry constate ici la fin  était de nature uniquement physique et géographique. Il s’agissait plus exactement des conquêtes consécutives aux diverses expéditions d’exploration de l’espace habitable. Si cette forme d’expansion s’est clôturée, elle allait laisser la place à une expansion idéologique, institutionnelle et  relationnelle, qui elle, continue de se déployer aujourd’hui  dans un espace non plus géographique mais culturel et mental.
L’idée de solidarité qui se dégage du constat fait par Paul Valéry est celle d’une solidarité pratiquement physique de répercussion et de retentissement, de proche en proche des événements et des agissements, bref, une solidarité résultant de la découverte de l’inéluctable dépendance des parties du globe.
La mondialisation dirigée et construite
Nous partons, dans notre réflexion, de ce que nous considérons comme le point de départ de la deuxième forme de la mondialisation, à savoir le discours d’investiture du Président Truman pour son second mandat, le 20 janvier 1949 : «  Il nous faut lancer un nouveau programme qui soit audacieux et qui mette les avantages de notre avance scientifique et notre progrès industriel au service de l’amélioration de la croissance des régions sous-développées. Plus de la moitié des gens dans le monde vivent dans des conditions voisines de la misère. Ils n’ont pas assez à manger. Ils sont victimes de maladies. Leur pauvreté constitue un handicap et une menace, tant pour eux que pour les régions les plus prospères. » Passant des paroles aux actes, le Président Truman créait, un an après ce discours d’investiture, « Le Programme pour le développement international ». The Act for International development (AID). Et, comme chacun le sait, après l’entrée en vigueur de la Charte des Nations Unies, le 24 Octobre 1945, les pays industrialisés vont peu à peu créer des institutions destinées à appliquer des programmes de développement à travers le monde. C’est ainsi que naîtront les unes après les autres, les organisations spécialisées des Nations Unies telles que le PNUD, la FAO, l’OMS et de nombreuses autres. L’Organisation des Nations Unies apparaît ainsi comme la forme qu’a prise dès le début une gouvernance mondiale comportant une assemblée représentative des Etats, un Conseil de Sécurité qui aurait été désigné autrement s’il avait pu être assimilé à un gouvernement du monde,  les organisations spécialisées faisant figure de départements ministériels.
Il n’est pas superflu de signaler que c’est aussi dans ce discours du Président Truman qu’on entend utiliser pour la première fois le concept de « pays sous –développé ».
Si on y regarde de près, on se rend compte que la mondialisation empirique, tout comme la mondialisation construite n’ont fait que consacrer le dirigisme indirect du rapport de forces, tel qu’il s’est exprimé à travers la maîtrise de la navigation maritime et les voyages d’exploration et de découvertes ainsi qu’à travers diverses guerres, y compris les guerres coloniales qui ont conduit au bornage de la terre habitable tel que présenté par Paul Valéry, ou tel qu’il ressort du discours du président Truman des Etats-Unis, un discours qui avait voulu donner à comprendre que les plus forts pouvaient également être animés d’un désir réel de partage.
Les différences entre mondialisation et globalisation                                     
 Une claire contradiction dialectique semble habiter le cœur de la mondialisation. Une contradiction par laquelle un mouvement permanent d’expansion et d’extension de la multiplicité semble appeler, voire exiger comme son pendant, un contre-mouvement de regroupement et de concentration. Il s’agit de deux logiques difficiles à ramener à l’unité. La logique de la mondialisation consiste à étendre dans toutes les régions géographiques et culturelles du monde, des idéaux, des schèmes de comportements, des valeurs et des relations d’échanges de toutes sortes. C’est une logique commandée par le jeu du rapport de forces à différents niveaux, et souvent préoccupée de sauvegarder une unité hégémonique. Ce mouvement centrifuge ne doit-il pas alterner aujourd’hui avec le mouvement centripète, comme dans un moment de récupération d’un « soi essentiel » sur un « extérieur redondant» dans lequel le sens de l’humain, ce « soi essentiel », aurait tendance à se perdre ?
Si la mondialisation est expansive, voire dispersive, la globalisation, elle, doit aller dans le sens du regroupement, de la concentration et de la cohérence. Dans la globalisation on groupe ou regroupe autour de l’essentiel ; on simplifie et on supprime les redondances, les doubles emplois et les chevauchements.. Consciemment ou inconsciemment, le monde ou les mondes (mondes des cosmogonies des groupes tribaux, mondes des pays industrialisés ou mondes des pays sous-développés, monde de la santé ou monde de l’agriculture, etc) représentent chaque fois l’effort de l’homme d’organiser son adaptation aux environnements autour du principe de totalité qui s’analyse lui-même en une volonté d’unification de la multiplicité. Nous nous sommes donc posé la question de savoir autour de quel facteur d’unité se développe ou se construit « le monde de la mondialisation » et  il nous a semblé que c’est autour d’une vision confuse d’une interminable totalisation hégémonique du monde ;  l’unité dans ‘’le monde de la mondialisation’’ ne peut pas se faire autour d’un peuple nouveau qui serait une sorte de synthèse de la multitude des peuples existants (le projet cosmopolitiste d’Emmanuel Kant ne peut que très difficilement se traduire dans les faits) ; ne semble-t-il pas que la mondialisation ait plutôt provoqué un réveil des replis identitaires ?( Paul Valéry l’a également pressenti dans l’ouvrage déjà cité, quand il écrivait que « Quoi de plus remarquable que….cet enchaînement des parties du globe ?Leurs effets sont immense….Nous devons désormais rapporter tous les phénomènes politiques à cette condition universelle récente ; chacun d’eux représentant une obéissance ou une résistance aux effets de ce bornage définitif et de cette dépendance de plus en plus étroite des agissements humains ». L’unité du ‘’monde de la mondialisation ‘’ ne peut pas non plus se faire autour d’une unique religion ou d’une commune culture dans laquelle iraient se fondre de nombreuses cultures particulières, ni encore moins par l’uniformisation forcée des mœurs et coutumes des « micro mondes ». Si l’unité dans la mondialisation semble placée devant nous comme un impossible programme à réaliser, l’unité, dans l’esprit de la globalisation, telle que nous la percevons, se situe à un point de départ vers lequel il faut retourner chercher l’inspiration qui devrait éclairer toute gouvernance ; il s’agirait d’insuffler le sens de l’humain si malmené et si moqué dans les transactions de toutes sortes dominées par le mercantilisme de toujours et des manifestations d’un hédoïsme aussi ravageur que déshumanisant.
Caractéristiques de la « gouvernance mondiale » ou onusienne
La forme et l’allure données à la toute première idée de gouvernance mondiale se perçoivent à travers la structuration de l’Organisation des Nations Unies. L’ONU a semblé épouser les nombreuses orientations des centres d’intérêts particuliers correspondant aux champs d’action des gouvernements des Etats, sans qu’il existe un Etat mondial unifié. A travers les multiples organisations spécialisées telles que le Pnud, l’Oms, la Fao, l’Unicef, l’Onudi et toutes les autres, on a reproduit des sortes d’équivalents des départements ministériels, avec cette différence que ces organisations spécialisées jouissent d’une autonomie qui en fait des centres d’initiatives qui concluent des conventions de partenariat entre elles, sans éviter des chevauchements et des doubles emplois. Une mondialisation commandée par un mouvement interne de production de la multiplicité se traduit au niveau de cette première forme de gouvernance onusienne par la dispersion et l’émiettement des structures, des centres d’intérêts et des efforts. De nombreuses études ont déjà eu à souligner le fait des chevauchements et des doubles emplois dans les programmes de telles ou telles organisations et agences des Nations unies. Ce constat auquel nous nous limitons de faire référence, est une illustration de ce que nous appelons la gouvernance de la dispersion et de l’éparpillement caractéristique de la gouvernance mondiale à travers l’ONU. Et comme c’est la diplomatie mondiale de la santé qui se trouve au centre du présent colloque, nous ne pouvons nous empêcher de nous demander si tout tourne rond entre l’Oms chargée de la coordination des équipes médicales, l’Onusida chargée de la coordination du travail de dix agences de l’Onu, le Pnud chargé d’empêcher la propagation du VIH/Sida, l’Unicef chargée de faire vacciner tous les enfants et d’apporter une aide aux enfants et familles touchées par le VIH/Sida ; l’Oms chargée de fixer des normes et des critères et d’en suivre l’application et la Fao chargée d’harmoniser les normes dans les domaines de la nutrition et de l’agriculture ( et nous n’oublions pas la Banque Mondiale qui a parfois conçu et financé ses propres programmes de lutte contre le VIH/Sida ou de lutte contre le choléra et de manière unilatérale ! ). Au sujet d’une question telle que celle du « médicament de contrefaçon », la confusion entre « contrefaçon » et « violation du brevet » aurait été rendue responsable du fait que de nombreuses cargaisons de médicaments génériques aient été saisies dans différents ports européens. Des médicaments en route vers différents programmes de santé publique, y compris des programmes traitant du VIH/Sida dans des pays en voie de développement. Pour l’Organisation mondiale du commerce, le médicament de contrefaçon serait perçu comme une atteinte à une marque déposée. Ce serait par exemple l’utilisation par autrui du nom commercial d’une entreprise pharmaceutique ou d’une marque déposée sur un produit particulier. Pour l’Oms, le « médicament de contrefaçon » serait « une erreur de qualification délibérée et frauduleuse par rapport à l’identité ou à la source ». Aucune des deux interprétations du concept de « contrefaçon » ne prend en compte l’intérêt du consommateur et éventuel acheteur du médicament, désireux seulement de savoir s’il a affaire à un vrai ou à un faux médicament. Les seuls intérêts pris en compte ici sont ceux des producteurs et des commerçants, l’entreprise pharmaceutique et le propriétaire d’une marque déposée ! Quand bien même une meilleure collaboration aurait lieu entre ces  divers organismes, un impérieux besoin de cohérence se fait sentir.
A côté de la multiplicité des programmes et de leur émiettement, il y a lieu de mentionner l’éparpillement du pouvoir de décision qui suit le pouvoir financier à travers les décideurs que sont les instances dirigeantes des diverses organisations spécialisées autonomes, tout comme à travers les nombreux donateurs, dont certains tiennent à affecter leurs dons à des projets qu’ils ont choisis. De nombreux autres pouvoirs de décision intercalaires interviennent dans les rapports des agences des Nations Unies entre elles-mêmes d’abord, tout comme entre elles et leurs interlocuteurs ministériels locaux. Au niveau local précisément, c’est-à-dire des Etats-membres et en particulier des Etats des pays en voie de développement considérés comme des partenaires invités à traiter avec les comités ou représentants locaux de telle ou telle organisation spécialisée, ne se produit-il pas dans la durée, une tendance à se déresponsabiliser, quand les locaux se mettent à tout attendre de l’organisation spécialisée des Nations Unies ? La tentation de la facilité que représente la politique de l’Aide et de l’assistance nécessairement saupoudrée et émiettée devrait-elle continuer d’être soutenue en permanence ?
Dans un tel contexte on est fondé à se poser la question de savoir si le rendement de tous les moyens financiers et matériels mis en œuvre de façon aussi dispersée ne pouvait pas être amélioré; on est en droit de se demander si les bons résultats obtenus jusque là  par l’humanité dans le cadre du fonctionnement de la gouvernance mondiale telle que nous venons de la présenter ne peuvent pas en appeler d’autres, plus importants, dans la construction de la garantie du bien-être à assurer à la majorité de la population mondiale ? Cela demanderait des efforts supplémentaires d’altruisme dans la volonté de réduire l’impact de la loi de la nature dans les relations entre les nations pour que prédomine la loi morale sur laquelle se fonde le devoir de solidarité entre les humains.
Pour une gouvernance globale
L’unité du ‘’monde de la globalisation ‘’ devrait être conçue, non autour d’une volonté de totalisation hégémonique, mais plutôt autour des communes aspirations fondamentales de tous les peuples et de tous les êtres humains à connaître et à vivre le bien-être et la sécurité que favorisent les progrès scientifiques dans tous les domaines, tels ceux de la santé, de l’alimentation et de l’instruction en général. Le vocable « développement » par lequel on désigne les efforts visant à la satisfaction de ces aspirations n’a-t-il pas laissé penser que seuls les pays pauvres, pays majoritairement de l’hémisphère Sud, étaient concernés par la gouvernance internationale telle qu’elle ressort des programmes des organisations spécialisées des nations Unies ? (Nous avons rappelé à dessein le discours du Président Truman plaçant les pays sous-développés au centre du programme lancé en 1949 au nom des pays industrialisés) Ces aspirations au bien-être et à l’épanouissement de tout homme concernent pourtant tous les hommes, où qu’ils vivent. Et c’est à ce titre qu’elles devraient occuper le centre des programmes de l’agenda d’une gouvernance par l’Organisation des Nations Unies ne devant pas se limiter à se considérer  comme une simple gouvernance d’aide et d’assistance conçue pour les seuls pays en voie de développement. Des pays, et notamment des pays africains, traités comme les meilleures destinations pour les faux médicaments et toutes sortes de produits dangereux 
La gouvernance globale à laquelle nous pensons se propose d’être l’inverse de la gouvernance telle que pratiquée dans le cadre de la mondialisation. Nous savons bien que « globalisation » est le terme anglais pour dire la même chose que « mondialisation » en français. Mais nous savons aussi que le concept global a un sens qu’on retrouve dans l’expression « bilan globalement positif ». Un bilan qui considère l’ensemble et non les détails ; l’essentiel et non l’accessoire, le principal et non le secondaire. Nous l’avons déjà dit, le mouvement de la globalisation devrait être, selon notre vision des choses, l’inverse de celui de la mondialisation, c’est-à-dire un mouvement de regroupement et de concentration  autour des questions et des  programmes essentiels.
Nous nous réjouissons de constater que c’est  dans cette direction que se sont orientées de récentes initiatives en matière de reforme des Nations Unies. Il s’agira d’étendre ces initiatives en profondeur et le plus loin possible. En effet, au Sommet mondial de 2005, il a été lancé ce qui s’est appelé « le processus de cohérence d’ensemble du système de développement » par les Nations Unies. Il a comporté deux projets, à savoir « l’initiative « Unis dans l’action » (2007) et la création de ONU/femmes en 2010. ONU/ Femmes qui est opérationnelle depuis le mois de septembre 2011 résulte de la fusion de quatre entités, 1- la division pour l’avancement des femmes, 2- le Bureau du Conseiller Spécial pour les questions de genres ( deux entités qui dépendaient du Département des Affaires Economiques et sociales du Secrétariat Général,3-L’Institut international de recherches et de formation pour l’avancement des femmes,4- Le Fonds de développement des Nations Unies pour les femmes ( Un  organe qui dépendait de l’Assemblée Générale).
Quant à l’initiative « Unis dans l’action », soit, en anglais « Delivering as One (DaO), elle cherche à mettre en mouvement «  Le processus de cohérence d’ensemble du système de développement ». Il porte sur le renforcement de la gestion et de la coordination des activités opérationnelles dans trois domaines : le développement, l’aide humanitaire et l’environnement. Huit Etats membres se sont portés volontaires pour en être les premiers expérimentateurs : Albanie, Cap Vert, Mozambique, Tanzanie, Uruguay, Vietnam, Pakistan, Rwanda). Il s’agit ici pour le pays hôte et l’organisation des Nations Unies concernée de définir et de programmer ensemble des priorités communes, de n’avoir qu’un seul et même chef de file, celui-là même qui est le porte parole commun et, en ce qui concerne les finances, de disposer d’un cadre budgétaire unique, une stratégie commune de levée des fonds et, pour finir un bureau ainsi qu’une mise en commun des services de gestion.
Les premières évaluations de cette expérience laissent entendre qu’il se produit de cette façon une meilleure appropriation de « l’aide onusienne » et une bonne réduction des coûts des transactions, du moins au niveau des pays bénéficiaires. Par contre les mêmes coûts des transactions ont plutôt augmenté pour les équipes des Nations Unies, en raison du manque de coordination inter-agences au niveau des sièges qui conservent des différences, voire des incompatibilités des données et des pratiques de gestion entre ces agences des sièges. Il ressort de là une indication claire de la direction dans laquelle devrait se poursuivre l’harmonisation. En tout état de cause, les pays pilotes ont affirmé leur volonté de voir l’initiative se poursuivre et la considèrent comme le premier pas vers une reforme globale de la manière avec laquelle l’Onu fournit l’aide au développement.
De même, en matière de gouvernance environnementale, il aurait été proposé récemment de créer, à l’instar d’ONU/Femmes,  l’ONU Environnement (ONUE) qui remplacerait le Programme des Nations Unies pour l’environnement créé depuis 1972. En fait, la conception de l’ONU Environnement n’aurait  pas encore été agrée par tous les partenaires,
Regrouper des programmes, faire fusionner des organisations et des agences, faire en sorte que la fixation des priorités associe les donateurs et les bénéficiaires, ce sont là les premières mesures de globalisation qu’il faut saluer ; mais avec ces mesures nous n’en sommes encore qu’au niveau de la méthode. Il resterait à s’attaquer au fond même du problème. Si l’initiative baptisée «  Le processus de cohérence d’ensemble du système de développement » s’est choisi trois domaines, à savoir le développement, l’aide humanitaire et l’environnement, c’est dire qu’il y a lieu de nous interroger sur la question de savoir si une gouvernance globale devrait continuer à chercher à couvrir tous les secteurs possibles et imaginables, ou, bien au contraire, abandonner cette pratique de la gouvernance mondiale actuelle qui « trop embrasse » ! Jugement que nous avons entendu émettre pendant notre séjour au conseil exécutif de l’Unesco. Bien des membres de notre conseil trouvaient que l’Unesco « embrassait trop » …
 Nous pensons en effet qu’une gouvernance mondiale n’est plus une gouvernance d’aide et d’assistance permanente, mais une gouvernance de répartition des compétences en raison des avantages comparatifs des uns et des autres. A côté des avantages comparatifs dans lesquels il faut faire entrer les domaines stratégiques tels ceux de la sécurité militaire et de la lutte contre le terrorisme, il y a les domaines du commerce mondial, de la lutte contre toutes sortes de trafics (trafics de médicaments, trafics de drogues, d’organes humains, trafics d’enfants, trafics de prostituées) qui relèvent du domaine de la sécurité pour l’humain, domaine prioritaire pour la gouvernance globale. La sectorisation de la lutte contre les fléaux a-t-elle donné tous les bons résultats qu’on était en droit d’en attendre ? Ce n’est pas évident. Toujours est-il qu’il s’agit là des domaines dans lesquels la collaboration des Etats dans une gouvernance globale va devoir  s’imposer davantage.
La seconde catégorie des domaines à inscrire au cœur de l’agenda d’une gouvernance globale comprendrait la question du développement dans son ensemble, et, avec comme objectif à viser la réduction du fossé qui continue de se creuser entre les pays riches et les pays pauvres. Il devrait essentiellement être question de mettre au point des normes intangibles susceptibles de permettre la traduction en actes de la mise en œuvre d’une authentique solidarité humaine, par-delà les cadres nationaux et étatiques.
 Au cœur de la globalisation se trouve donc  inscrit le principe régulateur du devoir de solidarité ; non pas cette solidarité négative qui se constitue sur la base du principe de l’exclusion, mais cette solidarité positive par laquelle chaque partenaire du système global est amené à se souvenir que la seule solidarité inverse qui combat la solidarité autour du sens de l’humain est la solidarité dans le crime multiforme déjà évoqué. Si Gabriel Marcel revenait sur Terre aujourd’hui, il re-écrirait à coup sûr un second « Les hommes contre l’humain » !
 Pour conclure
La reforme de l’Organisation des Nations Unies dont on parle depuis déjà longtemps est donc plus que jamais une impérieuse nécessité ; car c’est à travers cette institution, bien davantage qu’à travers les G8, G20 ou G30 qu’une gouvernance globale relativement démocratique pourrait fonctionner. Il n’y a pas que le conseil de sécurité qui devrait retenir l’attention des réformateurs ; il y a aussi l’Assemblée générale et les diverses organisations spécialisées au sujet desquelles il n’y aurait pas que les doubles emplois et les chevauchements à supprimer, mais également les missions et la gestion à redéfinir par rapport à la tutelle de l’Assemblée générale et d’un Conseil de sécurité auquel on pourrait  donner un autre nom. En ce qui concerne les missions des organisations spécialisées, il nous est apparu qu’il serait temps qu’elles ne soient plus perçues comme des instruments au service d’une politique interminable d’aide à apporter aux pays en voie de développement, mais que tout en continuant sur cette voie appelée à s’arrêter un jour, elles mettent au premier plan de leur action le déjà connu objectif de « renforcement des capacités » des pays concernés, dans une orientation d’accélération du processus de leur émancipation de la politique de l’aide au profit d’une plus grande responsabilisation des gouvernements des Etats.
        On pourrait résumer tout ce qui précède en disant que « jusqu’ici les organisations internationales n’ont fait qu’administrer et gérer le monde en y prorogeant l’ordinaire loi du plus fort ; il s’agirait aujourd’hui pour elles, de commencer à le gouverner à partir des  choix politiques participatifs garantissant la sécurité et la conservation du sens de l’humain aux quatre coins du monde. C’est une responsabilité que la gouvernance mondiale a tendance à abandonner aux organisations non-gouvernementales (ONG) qui, elles, ne s’occupent que du plus facile et du plus « politiquement correct », à savoir les droits de l’homme, laissant de côté ce qui devrait être considéré comme un devoir de stimulation du sens de l’humain. Et si la plupart, sinon toutes ces ONG se constituent dans le camp des plus forts, nous nous devons de reconnaître que rien n’empêche la société civile des pays faibles de susciter à leur tour la création des ONG chargés de réveiller le sens de l’humain dans l’esprit des plus forts. Ce n’est pas ce que font les Alter-mondialistes dont les résultats sont impalpables.
On pourrait nous objecter que c’est la loi de l’intérêt qui gouverne les relations entre les nations et non une loi quelconque qui s’appellerait « le devoir de solidarité » ou même « le sens de l’humain ». Nous n’en disconvenons pas ; mais alors, le génie des hommes serait-il à jamais incapable d’inventer un mécanisme par lequel on pourrait amener les uns et les autres à trouver de l’intérêt à collaborer à la satisfaction des intérêts des autres ?
        Je vous remercie de votre attention.

                                                        E. NJOH MOUELLE

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